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lundi 24 janvier 2011

Lettre ouverte à Monsieur Sarkozy

Monsieur Sarkozy,
Vous qui voulez absolument faire de la présidence française du G20 un temps fort de la fin de votre sublime quinquennat, vous vous êtes efforcé, non sans peine d’ailleurs, aujourd’hui lundi 24 janvier 2011, dans une nouvelle apparition publique, une de plus, de nous rallier à votre exercice de saltimbanque économique. Lors d'une conférence de presse, vous avez de nouveau exposé vos grandes priorités - mise en chantier d'un nouvel ordre monétaire, lutte contre la volatilité des prix des matières premières, amélioration de la gouvernance mondiale et financement du développement. Vous avez ébauché le calendrier qui doit selon vous conduire au sommet du G20, début novembre 2011 à Cannes, en passant par celui du G8, les 26 et 27 mai 2011 à Deauville. Monsieur Sarkozy, vous qui interveniez aujourd’hui sur fond du logo "Nouveau monde, nouvelles idées" de votre présidence de ces deux foirums, vous avez notamment confirmé que vous vous rendrez, encore, en Chine, fin mars 2011 pour participer à un séminaire de réflexion sur la réforme du système monétaire international avec vos amis du parti communiste chinois. Vous avez évoqué quelques pistes de travail pour faire avancer vos objectifs sans dévoiler de véritable nouveauté. A quinze mois de l'élection présidentielle 2012, à laquelle votre candidature ne fait plus aucun doute pour personne, vous, Monsieur Sarkozy, vous qui aujourd'hui demeurez au plus bas dans les sondages, vous vous êtes attaché à montrer quels en seraient les bénéfices pour les citoyens français de votre réélection en 2012. La lutte contre la volatilité des céréales et des monnaies sont ainsi, selon vous, des sujets "profondément quotidiens" pour des catégories comme les éleveurs ou les chefs d'entreprise. Je dois vous avouer que je ne saisis pas le "profondément quotidien" dans la bouche d’un homme comme vous. Quant au financement du développement, vous y voyez le seul moyen d'endiguer des flux migratoires en provenance de l'Afrique vers l'Europe, que "personne n'arrêtera", selon vous, si le continent africain n'a pas accès à l'énergie et aux grandes infrastructures. Dois-je en conclure que vous avez – encore – changé d’avis et que vous allez abolir la Francafrique ? "La planète, racontez-vous, est devenue un village, et, c'est une réalité, ponctuez-vous. La France ne peut être abritée derrière des frontières imaginaires", avez-vous dit, en estimant que votre agenda était "de nature à reconnecter l'opinion publique et le G20". Je dois avouer que là vous m’épatez : vous prétendez "reconnecter" l'opinion publique et le G20 en alléguant que les frontières de la France sont "imaginaires" et que "la planète est devenue un village". C’est le genre de bobards que l’on proclamait il y a vingt ans, Monsieur Sarkozy. Le G20 doit "demeurer efficace" pour rester légitime, avez-vous encore dit. Vous entendez, toutefois, profiter de votre présidence du G20 pour atténuer - ou même esquiver - le caractère financier spécifiquement français. Vous souhaitez que soit aussi engagée une réflexion sur un "socle de protection sociale universelle". Très franchement, si vous imaginez que la planète - devenue village gaulois - va se farcir une Sécu à la française (avec son déficit abyssal), alors c’est que vous avez d’urgence besoin de consulter un bon neuropsychiatre. Monsieur Sarkozy, vous avez annoncé dans le même temps l'organisation d'un sommet social à la veille du sommet du G20, en parallèle à un G20 des chefs d'entreprise. Cela nous fait donc un foirum du G20, début novembre 2011 à Cannes, en passant par le foirum du G8, les 26 et 27 mai 2011 à Deauville, auquel vous ajoutez un foirum social à la veille du sommet du G20, en parallèle à un foirum du G20 des chefs d'entreprise. Question : qui va payer tous vos foirums ? Vous vous êtes à nouveau dit favorable à une taxe (ah les taxes !) sur les transactions financières pour financer le développement des pays les moins favorisés et aussi pour lutter contre la spéculation. Je ne vois pas en quoi une taxe de plus permettrait de lutter contre la spéculation. Vous non plus je suppose. Vous avez assuré que vous entendez montrer l'exemple en la matière. Je présume que c’est une farce et que nous sommes tenus de rire à chaudes larmes. Concernant la réforme du système monétaire international, vous avez jugé inévitable l'émergence de nouvelles monnaies internationales tout en estimant que le "rôle éminent" du dollar ne devait pas être remis en cause. Est-ce une façon subtile de sous-entendre que la France va revenir au franc ? Vous vous êtes dit encouragé par vos contacts récents avec les dirigeants des principaux pays du G20 - Chine, Inde et Etats-Unis - même si vous ne jugez pas réaliste d'espérer une réforme du Système Monétaire International à la fin de l'année 2011. Alors là, oui, pour une fois, vous êtes réaliste. Le Chef d’Etat mexicain, qui vous succèdera à la présidence du G20, a selon vous accepté de co-diriger avec l'Allemagne un groupe de travail sur la réforme du système monétaire international, ce qui toujours selon vous, permettra d'assurer une continuité. Si je comprends bien, pour que la France cesse de sombrer, il faut mettre à contribution, ensemble, les Mexicains et les Allemands. Je dois admettre qu’à défaut d’être cohérent, vous êtes, au moins, original. La Russie s'impliquera pour sa part dans le dossier des matières premières, sur lequel vous avez proposé la création d'une base de données internationale sur les produits agricoles afin de "prévenir les crises alimentaires". "Nous risquons des émeutes de la faim dans les pays les plus pauvres et un impact très défavorable sur la croissance mondiale", avez-vous fait valoir. Oserais-je vous signaler que vous risquez, surtout, des "émeutes de la fin" en France ? "Je suis certain qu'on ne règlera pas tous les problèmes en une présidence mais la France souhaite un débat car le débat ne peut plus attendre", avez-vous souligné. Là je vous reconnais les yeux fermés. Vous souhaitez un débat car le débat ne peut plus, selon vous, attendre. A part débattre, débattre et débattre, que comptez-vous faire le restant de votre vie, Monsieur Sarkozy ? Votre nouvelle « doctrine économique », Monsieur Sarkozy, appelle, de ma part, un certain nombre de remarques critiques que voici. Le contrôle du prix des matières premières, notamment agricoles (café, cacao, etc.), par une soi-disant « FAO rénovée », une ONU du café et du cacao, une FINUL de l’agriculture en quelque sorte, est une idée débile et irréalisable que les économistes marxistes de la CNUCED proposaient dans les années 1970. La « lutte » contre l'instabilité des changes, autrement dit le contrôle des changes par une soi-disant « FAO rénovée » - ou tout autre OVNI de création sarkozique - est une méthode artificielle que pratiquait le Bloc de l’Est au temps révolu de l’URSS avec le résultat désastreux que l’on sait. Votre pays, Monsieur Sarkozy, a atteint des sommets d’endettement et des abîmes de déficit dignes d’une république socialiste soviétique ou d’une république bananière sans bananes. Votre pays, Monsieur Sarkozy, prétend assumer la présidence du G20. Vos propositions et intuitions, Monsieur Sarkozy, si elles étaient mises en pratique - ce qui, Dieu merci, est techniquement irréalisable - transformeraient le G20 en Gosplan soviétique, en Plan quinquennal style Brejnev. Du reste, tout professeur d’économie planifiée que vous êtes devenu, Monsieur Sarkozy, vous n’avez pas renoncé au contrôle - par votre pays - de la production de cacao en Côte d’Ivoire. Votre UMP a signé un accord de coopération avec le Parti Communiste Chinois. La Chine dispose du plus grand fonds souverain de la planète. La Chine a les moyens de racheter une part de la dette de votre pays, Monsieur Sarkozy. Et la Chine est membre du G20. Encore un petit effort, Monsieur Sarkozy, et vous rédigerez le second tome du petit livre rouge pour obtenir le titre honorifique de Grand Timonier et, pourquoi pas, un Prix Nobel du Naufrage économique, et, un statut de réfugié politique au Lichtenstein. Veuillez agréer, Monsieur Sarkozy, l’expression de ma profonde compassion.
Michel Garroté

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