Or donc, depuis quelques jours, certains médias participent - activement - à un concile sexuel sur la question bandante de savoir si, oui ou non, Benoît XVI est, soudain, devenu favorable au préservatif. Ce qui m’impressionne le plus, comme toujours dans ce genre de pseudo-débat, c’est l’extraordinaire imbécillité des participantes et des participants. On ne discute plus du sexe des anges. On discutaille sur le fait de savoir si le pape fait enfin - ou ne fait toujours pas - la promotion de la capote anglaise, du latex, du capuchon. Concrètement, le totalitarisme libidinal part du principe absolutiste qu’il est obligatoire d’être « pour » - et non pas « contre » - le préservatif. Toutes les autres questions relatives au préservatif sont d’emblée exclue de ce d - ébat devenu con - cile.
Le latex est-il poreux ? Le latex est-il le seul et unique moyen d’aborder la question de la sexualité ? La sexualité se résume-t-elle à une affaire de pénis, de vagin, de bouche et d’anus ? Ces trois questions, il est interdit de les poser. La caste médiatique est inconditionnellement favorable au latex et c’est sur cette base uniquement qu’il est permis d’ouvrir la bouche, si j’ose écrire… Seulement voilà, personne ne s’est posé la question de savoir ce que Benoît XVI a réellement dit, en allemand, à Peter Seewald, dans le livre entretien qui sort en librairie sous le titre « Licht der Welt » (Lumière du monde). Je publie, ci-dessous, l’intégralité de la réflexion de Benoît XVI en matière de sexualité en général et en matière de préservatif en particulier.
Question de Peter Seewald : « Au cours de votre voyage en Afrique en mars 2009, la politique du Vatican en matière de sida est une fois de plus devenue la cible de critiques des médias. 25% des victimes du sida dans le monde entier sont aujourd'hui soignés dans des institutions catholiques. Dans certains pays, comme le Lesotho, par exemple, la statistique est de 40%. En Afrique, vous avez déclaré que l'enseignement traditionnel de l'Eglise est la seule façon d'arrêter la propagation du VIH. Des critiques, y compris celles issues des rangs de l'Eglise, font valoir que c'est une folie d'interdire à des populations à haut risque d'utiliser des préservatifs ».
Réponse de Benoît XVI : « La couverture médiatique a complètement ignoré le reste du voyage en Afrique en raison d'une seule déclaration. Quelqu'un m'a demandé pourquoi l'Église catholique adopte une position irréaliste et inefficace sur le sida. À ce moment, je me suis senti vraiment provoqué, parce que L'Eglise fait plus que quiconque. Et je pars de cette affirmation. Parce qu'elle est la seule institution qui aide les gens de près et concrètement, à travers la prévention, l'éducation, l'aide, les conseils et le soutien. Et parce qu'elle ne le cède à personne dans le traitement de tant de malades du SIDA, spécialement des enfants touchés par le SIDA. J'ai eu l'occasion de visiter l'une de ces structures et de parler avec les patients. C'est là la véritable réponse: l'Église fait plus que quiconque, parce qu'elle ne parle pas depuis le tribunal des journaux, mais elle aide ses frères et sœurs, là où ils souffrent effectivement ».
Benoît XVI ajoute : « Dans mon intervention, je ne faisais pas une déclaration générale sur la question des préservatifs, mais j'ai simplement dit, et c'est ce qui a causé une telle offense, que nous ne pouvons pas résoudre le problème par la distribution de préservatifs. Beaucoup reste à faire. Nous devons être proches des gens, nous devons les guider et les aider, et nous devons le faire avant et après qu'ils aient contracté la maladie. C'est une donnée de fait, et on le sait bien, que les gens peuvent encore se procurer des préservatifs quand ils veulent. Mais cela prouve seulement que le préservatif à lui seul ne suffit pas à résoudre la question. Il faut autre chose. Pendant ce temps, même dans le milieu laïc, s'est développée la théorie dite « ABC » : Abstinence, Be Faithful, Condom (ndmg : abstinence, fidélité, préservatif), où le préservatif est utilisé uniquement en dernier recours lorsque les deux autres ne fonctionnent pas ».
Benoît XVI poursuit : « Cela signifie que la fixation absolue sur le préservatif implique une banalisation de la sexualité, qui, après tout, est justement la source dangereuse de cette attitude qui ne voit plus la sexualité comme une expression de l'amour, mais seulement comme une sorte de drogue qu'on s'administre à soi-même. C'est pourquoi la lutte contre la banalisation de la sexualité fait aussi partie de la lutte pour garantir que la sexualité soit considérée comme une valeur positive, et lui permettre d'avoir un effet positif sur l'être humain tout entier. Il peut y avoir un fondement, dans le cas de certaines personnes, comme dans le cas du prostitué masculin (ndmg : « ein Prostituierter », un prostitué masculin, terme que Benoît XVI a utilisé, en allemand, dans son livre entretien avec Peter Seewald et terme qui a été mal traduit par les médias, y compris mal traduit par le quotidien du Vatican, L’Osservatore Romano…) qui usent du préservatif quand celui-ci peut être un premier pas vers une moralisation, un début de responsabilité, sur le chemin de la reprise de conscience que tout n'est autorisé et qu'on ne peut pas faire ce qu'on veut. Mais ce n'est pas vraiment la façon d'affronter le mal de l'infection du HIV. Cela ne peut être fondé que sur une humanisation de la sexualité ».
Question de Peter Seewald : « Voulez-vous dire alors que l'Eglise catholique n'est pas totalement opposée en principe à l'utilisation des préservatifs ? »
Réponse de Benoît XVI : « Évidemment l'Église ne le considère pas comme une solution réelle ou morale, mais, dans tel ou tel cas, il pourrait néanmoins être, dans le but de réduire le risque d'infection, une première étape vers un moyen différent, un autre moyen humain, de vivre la sexualité ».
Michel Garroté
Sources :
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Licht der Welt : Der Papst, die Kirche und die Zeichen der Zeit. Ein Gespräch mit Peter Seewald, Herder Verlag, 2010.
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