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lundi 18 janvier 2010

Le Liban doit-il craindre le printemps 2010 ?

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Michel Garroté
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Lundi 18 janvier 2010 – 3 Shevat 5770
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Parlons du Liban. Car à force de parler des pays qui jouent un rôle majeur sur l’échiquier géostratégique, nous avons peut-être tendance à négliger nos frères chrétiens au Pays du Cèdre. Aujourd’hui, je reproduis un article de Jean-Luc Vannier paru sur alliance géostratégique, article dont je ne partage pas toutes les affirmations, mais qui donne un éclairage intéressant. Pour ceux que le Liban intéresse plus particulièrement, je rappelle mon « texte fondamental », intitulé « Le mystère des Forces Libanaises », disponible sur :
http://monde-info.blogspot.com/2008/09/liban-le-mystre-des-forces-libanaises.html
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Ainsi donc, dans un article intitulé « Le Liban doit-il craindre le printemps 2010 ? », article publié sur http://alliancegeostrategique.org/ , Jean-Luc Vannier, professeur à l’université de Nice, écrit : Beyrouth, 3 janvier 2010. A l’entrée du Parlement, Place de l’Étoile, le policier responsable du service de sécurité dont la quasi totalité des membres appartient au mouvement chiite Amal, remarque dans la main d’un visiteur la revue « Moyen-Orient » avec en couverture la photo de Hassan Nasrallah, Secrétaire Général du Hezbollah. L’officier supérieur s’approche de lui et l’interroge discrètement en français : « il y a la guerre au printemps ? ». La guerre au Liban. Personne n’en parle mais tout le monde y pense. Jusqu’à l’assistante personnelle d’un Ministre qui commente mezza voce les propos volontairement rassurants d’un Député du Hezbollah qui fait anti-chambre: « il n’y a vraiment que lui qui y croit ». C’est dire.
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Alors que tout le pays du Cèdre a joyeusement célébré la nuit de la Saint-Sylvestre, trois facteurs de risques continuent de peser sur son avenir politique : une attaque israélienne contre le Parti de Dieu (I), la publication de l’acte d’accusation par le Tribunal Spécial pour le Liban (II), une détérioration accélérée de la situation intérieure en Iran (III).
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-I- Le voyage du Président Michel Sleiman aux États-Unis puis en France n’aura certainement pas dissipé ses craintes : les deux chefs d’États occidentaux rencontrés à cette occasion lui ont confirmé les intentions déclarées des responsables de l’État hébreu, à défaut d’attaquer l’Iran, laver l’affront de juillet 2006 et en finir une fois pour toutes avec la milice chiite dont le réarmement massif reste perçu comme une menace et un obstacle aux possibilités de paix dans la région. Seule certitude, le timing reste israélien. Le député Hezbollah de Baalbek-Hermel, Nawwar Al-Sahili, le confirme : « nous ne ferons que réagir ». Malgré cette sérénité officielle, le discours menaçant de Hassan Nasrallah pour l’Achoura à l’encontre de certains chrétiens - les invitant à ne pas commettre « deux fois la même erreur » - montre que la milice chiite n’a pas toutes les cartes en main. Les Forces Libanaises et leur dirigeant Samir Geagea, les seuls à s’opposer radicalement à son armement, sont désormais dans le collimateur de la formation pro-iranienne.
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Les responsables libanais, y compris ceux dans l’entourage immédiat du Premier Ministre Saad Hariri, tiennent néanmoins cette attaque israélienne pour de l’intox : le Ministre de la Justice Ibrahim Najjar la relativise, même si, selon lui, « elle appartient à l’horizon quotidien du Liban ». « La perspective d’une attaque fait partie de nos préoccupations majeures », précise-t-il, mais « elle doit tenir compte d’un environnement régional particulièrement mouvant » : « l’Iran tiendra-t-il encore au printemps ? La Syrie laissera-t-elle faire ? Le Hezbollah en sera-t-il encore l’allié ? », s’interroge-t-il.
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Une attaque est «peu probable» selon le Député du 14 mars Atef Majdalani tant qu’existe une «alliance objective entre le Hezbollah et l’Etat hébreu». Il s’en explique : « le maintien de la tension régionale favorise la protection américaine en faveur d’Israël et la milice chiite demeure un épouvantail pour les Etats sunnites du Golfe et l’Arabie saoudite ce qui autorise une meilleure tolérance de l’Etat hébreu». L’enjeu nucléaire iranien sert également, selon lui, ces mêmes intérêts.
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Le temps presse pour Israël mais joue en faveur du Parti de Dieu : ce dernier a visiblement décidé d’investir les structures politiques libanaises et de jouer à fond la règle des institutions. Si le ministère de l’agriculture confié à Hussein Hajj Hassan, conseiller politique de Hassan Nasrallah et Député de Baalbek n’est pas stratégique, le portefeuille du «développement administratif» détenu par Mohammad Fneich permet en revanche d’examiner toutes les mutations en cours dans les autres départements ministériels. Ce dont le Parti de Dieu entend tirer profit.
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Pour la première fois, relève-t-on au Sérail, siège du Gouvernement, le Hezbollah s’intéresse de près à l’attribution des postes vacants dans la haute administration alors qu’il était en général enclin à laisser la libre disposition du quota des nominations chiites à son traditionnel allié de Amal. Une ligne confirmée par le Ministre de la justice qui note «l’immersion du Hezbollah dans la politique libanaise et les réformes internes», espérant que «plus le régime libanais est stable, moins les armes du Hezbollah constituent un danger».
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Les finalités de la milice chiite sont en effet multiples : faire oublier les événements de mai 2008 où les armes de la «résistance» se retournèrent contre d’autres Libanais, se fondre dans le bouclier protecteur de l’Etat à un moment où les menaces contre son existence grandissent, rendant plus malaisée vis-à-vis de l’opinion internationale toute option militaire israélienne. «Rien n’interviendra avant deux ans» affirment en privé des cadres du Parti de Dieu. Le temps de doter son arsenal de nouveaux moyens anti-aériens ? Le temps de «devenir l’Etat libanais lui-même», comme le dénoncent, à l’image du Député Nadim Gemayel, certains leaders du 14 mars ou de l’Option libanaise, l’opposition chiite dirigée par Ahmad El Asad ?
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Qui de l’Etat libanais ou du Hezbollah réussira finalement à noyauter l’autre ? Cet investissement est jugé par certains trop « unilatéral » : après une explosion dans la banlieue sud de Haret Hreik, le black out a été imposé par les miliciens chiites pendant dix-neuf heures avant que la police nationale puisse intervenir. «Pas d’interdit sécuritaire, seulement des nécessités sécuritaires», a laconiquement commenté un ministre du Hezbollah. Malgré plusieurs démentis, il s’agirait bien, selon des informations officieuses de l’ONU, d’un accident impliquant le transfert d’explosifs d’un dépôt à un autre en présence de responsables du Hamas.
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-II- Malgré la visite rassurante à Beyrouth du procureur du Tribunal Spécial du Liban (TSL), la majorité des responsables politiques libanais, du 14 mars ou de l’opposition, émet de sérieux doutes sur les capacités de ce dernier à mener sa mission à bien. Un Tribunal qui, notons le au passage, ne bénéficie plus du cadre onusien et dont le « statut spécial et indépendant » accroît le risque, de l’aveu même de responsables de l’ONU dans la capitale, de « pressions politiques occidentales et libanaises sur le timing et le contenu de l’acte d’accusation ».
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Des pressions « déjà en cours », selon des sources libanaises proches du Sérail. Certes, des noms commencent à circuler en provenance de La Haye et qui incriminent le premier cercle de la milice chiite : l’un des successeurs désignés de Imad Moughniyé, mais aussi d’anciens responsables des services sécuritaires libanais, notamment ceux en charge des écoutes téléphoniques au sein des renseignements de l’armée. « De Obama à Sarkozy, affirme pourtant un haut responsable sous couvert d’anonymat, personne ne souhaite déclencher le chaos dans le pays avec cet acte d’accusation, y compris Saad Hariri lui-même en dépit de son implication personnelle dans sa mise en place ».
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Si sa « stratégie de communication » est amplement critiquée, on affirme, de source proche de l’ONU, que le TSL pourrait « très diplomatiquement » désigner des personnalités syriennes défuntes. On précise, de même source, que l’acte d’accusation devrait éviter de mentionner le Hezbollah « sui generis » mais citerait quelques noms, facilitant dans la foulée d’éventuelles négociations. Les plus pessimistes prévoient déjà, côté libanais, la parade : un avis de recherche qui n’aboutira jamais. Le Ministre de la justice estime pour sa part que « l’acte d’accusation pourrait être publié par tranches successives ». Un moyen de mieux circonvenir d’éventuelles réactions violentes.
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-III- Enfin, il y a unanimité sur le fait que l’irréversibilité du mouvement d’opposition à l’intérieur de l’Iran constitue le plus grand danger pour la stabilité du Liban : en clair, en cas d’une accélération et d’une amplification des troubles sécuritaires, le régime iranien pourrait être tenté de jouer la carte du Hezbollah pour faire diversion : la communauté internationale concentrerait davantage son attention sur la zone de conflit. La crise yéménite est d’ailleurs analysée sous cet angle : une tentative de créer un leurre et d’y impliquer les Américains. La présence de combattants du Hezbollah aux côtés des rebelles chiites y serait avérée : en témoigneraient de discrètes funérailles de combattants organisées dans des zones reculées de la Bekaa. Le destin commun de l’Iran et du Hezbollah est même scellé, selon Ahmad El Assad, président de l’opposition libanaise chiite qui estime que la « milice ne devrait pas survivre à la chute de son mentor ».
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Dans ce maelström d’incertitudes, la Syrie tire à l’accoutumée son épingle du jeu : «Damas laisse toujours passer des armes au Liban et des combattants en Iraq», affirment des responsables de l’Onu. Simultanément, la Syrie aurait fait pression sur l’ancien président du Yémen, Ali Nasser Mohammed, afin d’empêcher ses partisans de prendre part, de leur côté, au conflit contre les autorités de Sanaa. D’où la reconnaissance saoudienne en forme d’insistantes pressions sur Saad Hariri pour qu’il rende visite à Bachar El-Assad. Une « visite à reculons » selon un de ses proches qui a rencontré le Premier Ministre libanais juste avant son départ pour la Syrie. Une « potion amère à avaler », selon un autre qui s’est entretenu avec lui dès son retour. On comprend mieux alors les propos du nouveau Ministre libanais des affaires étrangères : « la résolution 1559 de l’Onu n’existe pas ! ».
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La Syrie demeure une « nécessité stratégique pour Israël et l’Occident », selon le Ministre de la justice, pourtant membre des Forces Libanaises, un parti durement éprouvé pendant les trente années d’occupation par le grand voisin. Un pays « qui n’a pas encore perdu l’espace de manœuvre » d’où de prudentes recommandations : « pour le Liban, ne pas se mettre à dos la Syrie et ne pas provoquer de déstabilisation interne ». Quant au découplage de l’Iran d’avec la Syrie, le Ministre l’affirme : « possible si l’Iran flanche ». Et d’ajouter : « Israël aura alors fait d’une pierre deux coups ! ».
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Le 12 janvier 2010, Jean-Luc Vannier
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