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jeudi 15 janvier 2009

L'Eglise catholique et les Palestiniens

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Miguel Garroté – Depuis fin 2008 / début 2009, un certain nombre de clercs et de laïcs, de l’Eglise catholique, tirent prétexte des discours de Benoît XVI sur la paix entre Israéliens et Palestiniens, pour tenir, par oral et par écrit, des propos pour le moins déconcertants, pour ne pas dire abjects, sur l’opération israélienne dans la bande de Gaza. Ci-après, une petite radioscopie, de ce phénomène, où l’Eglise catholique, donne à certains, le sentiment, qu’elle est à la fois hammassophile (« phile », qui aime) et judéophobe (« phobe », qui n’aime pas ou qui hait).
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De fait, ce phénomène c’est déroulé en trois étapes, qu’il faut clairement distinguer, et non pas mélanger : primo, Benoît XVI prône la paix ; secundo, le cardinal Renato Martino, président du Conseil du Vatican pour la justice et la paix, en tire prétexte pour comparer la bande de Gaza à un camp de concentration ; tertio, des prêtres et des laïcs en tirent prétexte, pour écrire sur Israël des choses abjectes que j’ai déjà signalées (1), et que je n’ai donc pas besoin de signaler une deuxième fois ici. Commençons par la première étape, à savoir Benoît XVI qui prône la paix, y compris la paix entre Israël et la bande de Gaza.
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Ainsi donc, entre autres messages de paix que je ne vais pas tous reproduire ici, Benoît XVI s'est adressé, le jeudi 8 janvier 2009, comme c'est l’usage au début de chaque année, au Corps Diplomatique accrédité près le Saint-Siège, Corps Diplomatique devant lequel il a résumé les principaux moments de l'année 2008, y compris les événements récents au Proche et au Moyen Orient. Dans ce contexte diplomatique et protocolaire, où le discours du pape a généralement été rédigé, en partie au moins, par tel ou tel cardinal, Benoît XVI a également abordé la question de la bande de Gaza. Voici l’extrait du discours de Benoît XVI qui nous intéresse (début de l’extrait sur le Proche et le Moyen Orient du discours de Benoît XVI) : « La naissance du Christ dans la pauvre grotte de Bethléem nous conduit naturellement à évoquer la situation au Moyen-Orient et, en premier lieu, en Terre Sainte, où, en ces jours, nous assistons à une recrudescence de violence qui provoque des dommages et des souffrances immenses aux populations civiles ».
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« Cette situation, poursuit Benoît XVI, complique encore la recherche d’une issue au conflit entre Israéliens et Palestiniens, vivement désirée par beaucoup d’entre eux et par le monde entier. Une fois de plus, je voudrais redire que l’option militaire n’est pas une solution et que la violence, d’où qu’elle provienne et quelque forme qu’elle prenne, doit être condamnée fermement. Je souhaite que, avec l’engagement déterminant de la communauté internationale, la trêve dans la bande de Gaza soit remise en vigueur, - ce qui est indispensable pour redonner des conditions de vie acceptables à la population -, et que soient relancées les négociations de paix en renonçant à la haine, aux provocations et à l’usage des armes. Il est très important que, à l’occasion des échéances électorales cruciales qui intéresseront beaucoup d’habitants de la région dans les prochains mois, émergent des dirigeants capables de faire progresser avec détermination ce processus et de guider leurs peuples vers la difficile mais indispensable réconciliation ».
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« On ne pourra parvenir à celle-ci, ajoute Benoît XVI, sans adopter une approche globale des problèmes de ces pays, dans le respect des aspirations et des intérêts légitimes de toutes les populations intéressées. Outre des efforts renouvelés pour la solution du conflit israélo-palestinien, que je viens de mentionner, il faut apporter un soutien convaincu au dialogue entre Israël et la Syrie et, pour le Liban, appuyer la consolidation en cours des institutions, qui sera d’autant plus effective qu’elle s’accomplira dans un esprit d’unité. Aux Iraquiens, qui se préparent à reprendre pleinement en main leur propre destinée, j’adresse un encouragement particulier à tourner la page pour regarder l’avenir afin de le construire sans discrimination de race, d’ethnie ou de religion. En ce qui concerne l’Iran, on ne doit pas se lasser de rechercher une solution négociée à la controverse sur le programme nucléaire, à travers un mécanisme qui permette de satisfaire les exigences légitimes du pays et de la communauté internationale. Un tel résultat favoriserait grandement la détente régionale et mondiale » (fin de l’extrait sur le Proche et le Moyen Orient du discours de Benoît XVI).
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Voilà pour la première étape. Voyons maintenant la deuxième étape : le cardinal Renato Martino, président du Conseil du Vatican pour la justice et la paix, tire prétexte des discours de Benoît XVI sur la paix entre Israéliens et Palestiniens, pour comparer la bande de Gaza à un camp de concentration. Des pinailleurs de mauvais goût, voulant excuser le cardinal Renato Martino, se sont empressés de déclarer qu’un camp de concentration n’est pas un camp d’extermination.
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Oui, sauf que dans le processus génocidaire de la Shoah, le camp de concentration aboutissait au camp d’extermination. Et que par conséquent, le cardinal Renato Martino ne peut pas parler de camp de concentration dans une allusion directe à l’Etat juif, sans que cela fasse penser à une forme de Shoah. Que je sache, la concentration du cardinal n’est pas une allusion au tube de lait concentré ou au concentré de tomates. Il y a des formules que l’on ne peut utiliser en feignant la naïveté ou l’innocence.
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C’est du reste l’argument de tous les judéophobes : si Gaza est un camp de concentration, alors forcément les Juifs ne valent pas mieux que les nazis, et hop, v’la que cht’envoie ma crotte en pleine figure, et que la justice et la paix soient avec toi ! Le cardinal Renato Martino (il ne s’agit pas du Renato de « La cage aux folles ») ne peut pas feindre d’ignorer ce type de réflexion judéophobe lorsqu’il utilise la formule « camp de concentration ». Mais le problème, je l’ai écrit plus haut, n’est pas seulement la déclaration du cardinal Renato Martino. Le problème est aussi que le cardinal Renato Martino se permet sa déclaration en tirant prétexte des discours de Benoît XVI sur la paix entre Israéliens et Palestiniens. Or, Benoît XVI n’a jamais dit que la bande de Gaza est un camp de concentration.
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Le problème est enfin que des clercs et des laïcs tirent prétexte des propos du cardinal Renato Martino pour tenir, par oral et par écrit, des propos pour le moins déconcertants, pour ne pas dire abjects, sur l’opération israélienne dans la bande de Gaza. En résumé, Benoît XVI prône la paix entre Israéliens et Palestiniens. Et de fil en aiguille, suite aux propos concentrationnaires du cardinal Renato Martino, des prêtres et des laïcs écrivent, d’une part, qu’Israël est un Etat terroriste ; et d’autre part, qu’Israël a besoin du terrorisme palestinien pour vivre. Le cynisme de ce raisonnement rappelle le cynisme de l’exploitation des prétendus « protocoles des sages de Sion » (qui est à la fois un faux et un plagiat, comme l’on démontré Victor Loupan et Pierre-André Taguieff) et le cynisme de « Mein Kampf » (qui lui n’est ni un faux, ni un plagiat…).
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Dans le cadre du phénomène présenté ci-dessus, lavigie a écrit sur drzz.info : « Tu vois bien que les déclarations des cardinaux, dont le porte-parole du Vatican, ne sont pas des ‘ratés’ mais correspondent bien à une volonté délibérée venant de haut. (…) Le message pontifical est donc très brouillé, c'est le moins que l'on puisse dire et son voyage en Israël ne va pas se faire de si tôt, me semble t-il...à moins qu'il ne se limite à aller à Ramallah (…) A mon sens, l'on assiste aux prémices d'un rapprochement avec le monde musulman mais un rapprochement où le christianisme, et plus précisément le catholicisme, sera l'agneau. Finalement les fondamentalistes évangélistes sont plus fréquentables car moins politicards même si leur finalité reste l'évangélisation qui pourrait parfaitement n'être qu'un voeu pieux à mise en oeuvre retardée...jusqu'à la fin des temps ! ».
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Et toujours dans le cadre du phénomène présenté ci-dessus, Barakat a écrit, également sur drzz.info : « Il est normal – c’est son rôle – que l’Eglise durant les conflits – hors de toute considération politique – prennent le seul parti de ceux qui souffrent et qui meurent, qu’elle fasse connaître sa présence à leurs côtés, et appelle pour un arrêt de toute solutions violentes. Cela n’a rien de politique ou ne devrait pas. Cela n’a rien à voir avec le droit d’Israël à se défendre et d’avoir recours à la force. Mais les médias relaient ces messages de vie en leur donnant un contenu politique car ils sont incapables – comme la plupart de leurs lecteurs – de distinguer ce qui relève de César et ce qui appartient à Dieu ».
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« Et bien sûr, poursuit Barakat, ce sont toute une cohorte de personnes – cathos de gauche et même comme on peut le voir, des prêtres – qui en profitent pour polluer le message chrétien au profit de leur propre vision politique du monde et désigner les bons et les méchants… Ne faisons pas comme eux. Cette posture chrétienne du Vatican ne doit pas être prise ou comprise comme une jugement ou une condamnation d’Israël de la part de l’Eglise (et la légitimité d’Israël à recourir à la force). Ne prenons pas Benoît XVI pour l’instigateur de ces dérives. Ce serait une insulte à son intelligence. N’ayons aucun doute, il sait très bien à quoi s’en tenir vis-à-vis des disciples de Mahomet ».
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Pour conclure, j’aimerais écrire encore une fois, que dans le contexte diplomatique et protocolaire du 8 janvier, le discours au Corps Diplomatique de Benoît XVI, est un discours qui a très vraisemblablement été rédigé, en partie au moins, par un ou plusieurs cardinaux. Le discours intégral, dont je n’ai cité qu’une partie ci-dessus, est un discours extrêmement long, sur la situation de l’ensemble des continents de la planète. Ce discours annuel s’adresse à tous les ambassadeurs du monde et donc à tous les Etats du monde qu’ils représentent. J’entends par là que ce discours n’est pas de même nature que, par exemple, le discours de Benoît XVI au Collège des Bernardins à Paris. Dans ce discours au Collège des Bernardins, Benoît XVI a clairement fait quelques distinctions, entre d’une part le judéochristianisme ; et d’autre part, l’islam. Les imams ne s’y sont pas trompés, qui ont critiqué ce discours, dès le lendemain de sa tenue.
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Enfin, j’aimerais souligner que si le discours du 8 janvier au Corps Diplomatique a une valeur plus protocolaire que théologique, ce discours contenait tout de même, pour ceux qui savent lire entre les lignes, quelques propos assez explicites sur le Hamas (« en renonçant à la haine, aux provocations et à l’usage des armes » ; la principale provocation, c’est la rupture de la trêve par le Hamas et les 8.000 engins de morts tirés par le Hamas ces dernières années sur des civils israéliens) et sur l’Iran (« les exigences légitimes du pays et de la communauté internationale » ; l’exigence de la communauté internationale, c’est la fin du nucléaire offensif iranien). Affaires à suivre…
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