Un catholique peut-il être sioniste ?
Michel Garroté, journaliste
http://monde-info.blogspot.com
J’aimerais soumettre aux lectrices et lecteurs, ci-dessous, quatre documents qui, selon moi, aident à comprendre en quoi un catholique peut être, aussi, un sioniste. Que les personnes de bonne volonté y voient un effort de transparence de ma part. Que les autres personnes y voient ce qu’elles voudront bien y voir ou ne pas y voir. On ne doit jamais consacrer trop de temps aux personnes qui s’informent peu, qui savent tout et qui ont toujours raison. Pourquoi ne doit-on pas leur consacrer trop de temps ? Mais parce qu’elles sont trop nombreuses, tout simplement.
Premier document
Sur le site catholique http://www.voxdei.org/ on peut lire que l’Eglise catholique a condamné l’antisionisme comme une forme masquée d’antisémitisme. L’Eglise catholique a formulé cette condamnation dans une déclaration conjointe, rendue publique, mais guère mentionnée par les médias, en juillet 2004, à l’issue d’un forum d’intellectuels juifs et catholiques. La condamnation catholique de l’antisionisme a également fait l’objet, le 30 juillet 2004, d’un article de Shlomo Shamir dans le journal israélien Haaretz (début de citation de Shlomo Shamir) : « Dans la déclaration conjointe, l’Eglise catholique met l’antisionisme en rapport avec l’antisémitisme. L’annonce en a été faite, en 2004, à Buenos Aires, lors d’un colloque de religieux, d’universitaires et autres personnalités juives et catholiques. L’antisémitisme est inacceptable quelle que soit sa forme, y compris celle de l’antisionisme qui est devenu dernièrement une manifestation d’antisémitisme, a souligné la déclaration conjointe. C’était la première fois que l’Eglise catholique mettait en relation l’antisionisme et l’antisémitisme. La déclaration comprend également une condamnation ferme du terrorisme, et plus particulièrement du terrorisme au nom de la religion. Le terrorisme est un péché contre l’homme et contre Dieu. Le terrorisme fondamentaliste au nom de Dieu est injustifiable. Ilan Steinberg, directeur du Congrès Juif Mondial, un des organisateurs du forum, avait qualifié la déclaration conjointe de moment historique. Pour la première fois, l’Eglise catholique reconnaît dans l’antisionisme une agression non seulement contre les Juifs mais contre le peuple juif en tant que tel. D’éminentes personnalités juives qualifièrent cette déclaration publique de soutien de l’Eglise catholique face à l’antisionisme. Par le passé, le sionisme était qualifié de racisme, et cette déclaration fait maintenant de l’antisionisme lui-même une forme de racisme, avait déclaré un responsable juif à New York » (fin de citation de Shlomo Shamir).
Deuxième document
Le 12 août 2007, sur http://www.terredisrael.com/, André Namiech publiait un document signalant que le dictionnaire emploie les mêmes définitions pour désigner l’idolâtrie et le fanatisme (début de citation de André Namiech) : « C’est un amour excessif, aveugle et intransigeant voué à quelqu’un, à quelque chose, voir même à une doctrine ou à une opinion. L’Histoire a montré que, malgré la bannière de l’enseignement de l’amour du prochain sous laquelle il se présentait, le Christianisme n’a pu empêcher les guerres qui ont endeuillé les peuples, même parmi ceux qui se réclamaient des mêmes convictions religieuses. Les différentes interprétations des écritures, leur esprit et leurs applications, ont été la cause des pires excès et d’un fanatisme (…) qui a abouti à son apogée destructeur avec la « Shoah » au 20ème siècle. Lors d’une conférence organisée à Genève, à l’occasion du 59ème anniversaire de la création de l’Etat d’Israël, l’abbé Alain René Arbez, responsable auprès de l’Eglise des relations avec le Judaïsme, a prononcé un discours pour rappeler les changements intervenus au sein de l’église catholique. Citant tour à tour Jean XXIII et Jan Paul II, l’abbé Arbez confirmait : Non, l’Alliance conclue par Dieu avec Israël n’avait pas été abrogée. Loin d’être une branche morte, les Juifs sont les frères aînés des Chrétiens. La foi juive est intrinsèque au Christianisme, car qui rencontre Jésus, rencontre d’abord le Judaïsme. En 2004, lors d’un symposium à Buenos-Aires, la commission pontificale pour les relations avec le Judaïsme a officiellement condamné l’antisionisme, car la plupart du temps, il n’est que le prétexte à banaliser la haine contre les Juifs par la diabolisation d’Israël. Ce qui est diabolique avec le fanatisme, c’est qu’il invoque des raisons particulières et mensongères pour justifier ses débordements et ses excès. On l’a vu avec le fascisme hitlérien et avec le communisme stalinien ; on le voit aujourd’hui avec l’intégrisme musulman qui a pris à son compte les héritages mortifères qui ont endeuillé la planète, et dont l’antijudaïsme constituait le dénominateur commun » (fin de citation d’André Namiech).
Troisième document
Dans « Le sionisme et les églises », Jean-Daniel Chavalier (voir http://www.primo-europe.org/ ) fait notamment les remarques suivantes (début de citation de Jean-Daniel Chevalier) : « Lors du Concile Vatican II, sous l’impulsion du Pape Jean XXIII, l’Eglise adopte une attitude plus positive vis à vis du peuple juif. Indirectement, le regard change aussi vis à vis de l’Etat d’Israël. L’Encyclique Nostra Aetate, qui réhabilite le peuple juif, est votée en 1965 malgré l’opposition des conservateurs. Elle rappelle que Dieu ne regrette ni ses dons, ni ses appels à son peuple, Israël. Ce climat plus favorable entraîne une rencontre entre le Pape Paul VI et le Président israélien Zalman Shazar en 1964. En 1975, le Vatican envoie un message dans lequel il reconnaît la légitimité du sionisme et de l’Etat d’Israël (…) C’est lors des Accords d’Oslo, en 1993, que le pas décisif est franchi. Le Vatican signe avec l’Etat d’Israël un accord fondamental qui scelle la reconnaissance de l’Etat d’Israël, mentionnant également la nature unique de la relation entre l’Eglise catholique et les Juifs (…) Le Pape Jean-Paul II, plutôt philosémite (réd. ami des juifs), tout comme son successeur Benoît XVI, parachèvera là, en quelque sorte, un long parcours (…) A côté de ce pragmatisme officiel, il y a dans le monde catholique un courant favorable au sionisme, avec une argumentation positive. La dimension théologique est présente par le fait que le peuple juif est le peuple de l’alliance pour lequel les promesses subsistent (…) Le philosophe catholique Jacques Maritain (1882-1973) a œuvré durant de longues années à la lutte contre l’antisémitisme, lors de l’affaire Dreyfus, lors de la deuxième guerre mondiale, et ce jusqu’à sa mort. Il fut Ambassadeur de France au Vatican et usa de sa position pour faire avancer le dossier juif dans l’Eglise catholique. Il était un sioniste convaincu. Il est le père spirituel d’un courant favorable au sionisme et à l’Etat d’Israël dans le catholicisme, courant actif en particulier dans l’Amitié judéo-chrétienne (…) Du côté des catholiques favorables au sionisme, le témoignage du père Emile Shoufani, curé de Nazareth, arabe palestinien de nationalité israélienne, est assez exceptionnel. Cet homme œuvre ardemment pour la réconciliation des Juifs et des Arabes. Il est un chrétien sioniste engagé, intégrant dans sa démarche une longue méditation sur le destin juif » (fin de citation de Jean-Daniel Chevalier).
Quatrième document
Dans la revue Sens, N° 8, août 2004, pp. 419-440 (voir http://www.upjf.org/dialogue-interreligieux/article-9400-133-6-combat-jacques-maritain-contre-antisemitisme-chevalier.html ), Yves Chevalier, présente plus en détail le catholique sioniste Jacques Maritain (début de citation d’Yves Chevalier) : « …Maritain a largement utilisé la “parole” - écrite ou orale - pour exprimer ce qu’il considérait, au niveau de la constitution de la société ou à celui des rapports entre les hommes, comme les conséquences nécessaires des principes à la fois du droit naturel et de la raison ; et il a, pendant près de cinquante ans, mené un combat qui ne fut pas sans courage. Maritain n’a jamais été antisémite. Dans le fameux texte de sa communication devant les participants à la première Semaine des écrivains catholiques, il prend soin d’insister, à plusieurs reprises, sur le fait, c’est Maritain qui le dit, ‘que (…) la tâche de l’écrivain catholique est alors d’éclairer l’opinion publique et de lui apprendre à raisonner de ces choses sans haine, en gardant la discipline qu’il convient (…) Les passions populaires et les pogroms n’ont jamais résolu aucune question, bien au contraire (…) il ne faudrait pas que la question juive serve de dérivatif au mécontentement et aux déceptions de l’heure présente, de telle manière que le Juif apparaisse, dans une sorte de mythologie simpliste, comme l’unique cause des maux dont nous souffrons (…) Plus la question juive devient politiquement aiguë, plus il est nécessaire que la manière dont nous traitons de cette question soit proportionnée au drame divin qu’elle évoque ; il est incompréhensible que des écrivains catholiques parlent sur le même ton que Voltaire de la race juive et de l’Ancien Testament, d’Abraham et de Moïse’. Maritain précisera (réd. 1941) : ‘L’antisémitisme est la peur, le mépris et la haine du peuple juif, et la volonté de le soumettre à des mesures de discrimination. Il y a bien des formes et des degrés d’antisémitisme. Sans parler des formes monstrueuses que nous avons à présent sous les yeux, il peut prendre la forme d’un certain orgueil et préjugé hautain, nationaliste ou aristocratique ; ou de simple désir de se débarrasser de concurrents gênants ; ou d’un tic de vanité mondaine ; voire d’une innocente manie. Aucune n’est innocente, en réalité. En chacune un germe est caché, plus ou moins inerte ou actif, de cette maladie spirituelle qui, aujourd’hui, éclate à travers le monde en une phobie fabulatrice et homicide’. Maritain écrira encore : ‘Il est difficile de n’être pas frappé de l’extraordinaire bassesse des grands thèmes de la propagande antisémite. Les hommes qui dénoncent la conspiration mondiale juive […] le meurtre rituel [...] semblent nés pour attester qu’il est impossible de haïr les Juifs en restant intelligent […] À un esprit suffisamment attentif, cette étonnante bassesse apparaît elle-même comme inquiétante, elle doit avoir un sens mystique. La sottise poussée trop loin confine au mystère’. Maritain avait aussi écrit, en 1937, dans L’impossible antisémitisme, que l’émancipation des Juifs, réalisée par la Révolution française, est un fait que les peuples civilisés, pour autant qu’ils veulent rester tels, doivent tenir pour acquis’. Reprenant un thème déjà utilisé par Léon Bloy lorsque, dans Le Salut par les Juifs, il affirmait : l’histoire des Juifs barre l’histoire du genre humain comme une digue barre le fleuve, pour en élever le niveau, mais en l’éclairant d’une méditation sur les chapitres de l’Épître aux Romains, où saint Paul traite de la destinée d’Israël après son faux-pas. Maritain définit l’Israël peuple de Dieu comme témoin des Écritures (…) comme témoin du surnaturel…c’est-à-dire de l’existence d’un au-delà du monde. Pour Maritain, au point de vue de sa caractérisation morale dans les perspectives catholiques, et lorsqu’il se répand parmi ceux qui se disent les disciples de Jésus-Christ, l’antisémitisme apparaît comme un phénomène pathologique qui révèle une altération de la conscience chrétienne quand elle devient incapable de prendre ses propres responsabilités dans l’histoire et de rester existentiellement fidèle aux hautes exigences de la vérité chrétienne. Alors, au lieu de reconnaître, dans les épreuves et les épouvantes de l’histoire, la visitation de Dieu, et d’entreprendre les tâches de justice et de charité requises par cela même, elle se rabat sur des fantômes de substitution concernant une race entière. L’antisémitisme reste, pour Maritain, la négation même du Message du Christ, ce qui explique que, puisque spirituellement le chrétien est un sémite, il ne peut concevoir un chrétien antisémite ; en même temps, il interprète l’antisémitisme, quelles qu’en soient les formes, comme une maladie spirituelle qui s’oppose à l’œuvre de Dieu. En s’attaquant à Israël, au peuple d’Israël en tant que tel, c’est l’éthique universaliste du Décalogue que l’on met en question ; et en exterminant les Juifs, c’est cette même éthique que l’on veut éradiquer de la surface de la terre. Dans le dernier ouvrage qu’il publie en 1970 : L’Église du Christ, Maritain constate que, progressivement élaborée au cours d’un affrontement multi-séculaire, la haine contre le peuple de la promesse était essentiellement religieuse (ce qui a conduit, à de nombreuses reprises, la papauté à prendre la défense des Juifs) ; et que ce n’est qu’à l’époque moderne qu’elle a pris une autre dimension, résolument séculière (…) Il convient donc que le théologien en tienne compte dans sa compréhension de l’Amour - unique, pour le Peuple d’Israël et pour l’Église - du Dieu Unique. C’est surtout après la Guerre, et en particulier lors de son séjour à Rome comme Ambassadeur de France près le Saint-Siège, que Maritain entreprendra un certain nombre de démarches directement liées à ce combat contre l’antisémitisme (…) Maritain tire la conclusion que ce dont Juifs et Chrétiens ont aussi, et par-dessus tout, besoin, c’est qu’une voix - la voix paternelle, la Voix par excellence, celle du Vicaire de Jésus-Christ (réd. du Pape) - dise au monde la vérité (…) pour témoigner de Sa compassion pour le peuple d’Israël, renouveler les condamnations portées par l’Église contre l’antisémitisme (…) pour préserver les âmes et la conscience chrétienne d’un péril spirituel toujours menaçant et pour toucher les cœurs de beaucoup d’Israélites. Maritain avait épousé un juive (…) ainsi écrit-il : Je voudrais être Juif par adoption, puisqu’aussi bien, j’ai été introduit par le baptême dans la dignité des enfants d’Israël (…) je suis des vôtres, oui, - juif par amour, je ne dis pas seulement spirituellement sémite, comme est tout chrétien, mais ethniquement juif, lié dans ma chair et ma sensibilité aux tribus d’Israël et à leur destinée ici-bas. Ce n’est pas par hasard qu’André Chouraqui demandera plus tard, en 1950, à Jacques Maritain de préfacer sa traduction des Devoirs du Cœur, de Bahya Ibn Paqûda (…) Mais cet amour pour Israël (…) me paraît reposer sur deux piliers essentiels : le texte des chapitres IX à XI de l’Épître aux Romains et une vision particulière de la mission d’Israël par rapport à, et en face de, celle de l’Église (…) Maritain poursuit : «Il y a une relation supra-humaine d’Israël au monde, comme de l’Église au monde (…) Aux yeux d’un Chrétien qui se souvient que les promesses de Dieu sont sans repentance, Israël continue sa mission sacrée (…) Israël, comme l’Église, est dans le monde et n’est pas du monde ». Ce face à face entre Israël et le monde, et le conflit qui y est inscrit, expliquent l’antisémitisme ; mais le double face à face commun entre Église-Israël et le monde, interdit au Chrétien d’être antisémite (fin de citation d’Yves Chevalier).
Michel Garroté, journaliste
http://monde-info.blogspot.com
J’aimerais soumettre aux lectrices et lecteurs, ci-dessous, quatre documents qui, selon moi, aident à comprendre en quoi un catholique peut être, aussi, un sioniste. Que les personnes de bonne volonté y voient un effort de transparence de ma part. Que les autres personnes y voient ce qu’elles voudront bien y voir ou ne pas y voir. On ne doit jamais consacrer trop de temps aux personnes qui s’informent peu, qui savent tout et qui ont toujours raison. Pourquoi ne doit-on pas leur consacrer trop de temps ? Mais parce qu’elles sont trop nombreuses, tout simplement.
Premier document
Sur le site catholique http://www.voxdei.org/ on peut lire que l’Eglise catholique a condamné l’antisionisme comme une forme masquée d’antisémitisme. L’Eglise catholique a formulé cette condamnation dans une déclaration conjointe, rendue publique, mais guère mentionnée par les médias, en juillet 2004, à l’issue d’un forum d’intellectuels juifs et catholiques. La condamnation catholique de l’antisionisme a également fait l’objet, le 30 juillet 2004, d’un article de Shlomo Shamir dans le journal israélien Haaretz (début de citation de Shlomo Shamir) : « Dans la déclaration conjointe, l’Eglise catholique met l’antisionisme en rapport avec l’antisémitisme. L’annonce en a été faite, en 2004, à Buenos Aires, lors d’un colloque de religieux, d’universitaires et autres personnalités juives et catholiques. L’antisémitisme est inacceptable quelle que soit sa forme, y compris celle de l’antisionisme qui est devenu dernièrement une manifestation d’antisémitisme, a souligné la déclaration conjointe. C’était la première fois que l’Eglise catholique mettait en relation l’antisionisme et l’antisémitisme. La déclaration comprend également une condamnation ferme du terrorisme, et plus particulièrement du terrorisme au nom de la religion. Le terrorisme est un péché contre l’homme et contre Dieu. Le terrorisme fondamentaliste au nom de Dieu est injustifiable. Ilan Steinberg, directeur du Congrès Juif Mondial, un des organisateurs du forum, avait qualifié la déclaration conjointe de moment historique. Pour la première fois, l’Eglise catholique reconnaît dans l’antisionisme une agression non seulement contre les Juifs mais contre le peuple juif en tant que tel. D’éminentes personnalités juives qualifièrent cette déclaration publique de soutien de l’Eglise catholique face à l’antisionisme. Par le passé, le sionisme était qualifié de racisme, et cette déclaration fait maintenant de l’antisionisme lui-même une forme de racisme, avait déclaré un responsable juif à New York » (fin de citation de Shlomo Shamir).
Deuxième document
Le 12 août 2007, sur http://www.terredisrael.com/, André Namiech publiait un document signalant que le dictionnaire emploie les mêmes définitions pour désigner l’idolâtrie et le fanatisme (début de citation de André Namiech) : « C’est un amour excessif, aveugle et intransigeant voué à quelqu’un, à quelque chose, voir même à une doctrine ou à une opinion. L’Histoire a montré que, malgré la bannière de l’enseignement de l’amour du prochain sous laquelle il se présentait, le Christianisme n’a pu empêcher les guerres qui ont endeuillé les peuples, même parmi ceux qui se réclamaient des mêmes convictions religieuses. Les différentes interprétations des écritures, leur esprit et leurs applications, ont été la cause des pires excès et d’un fanatisme (…) qui a abouti à son apogée destructeur avec la « Shoah » au 20ème siècle. Lors d’une conférence organisée à Genève, à l’occasion du 59ème anniversaire de la création de l’Etat d’Israël, l’abbé Alain René Arbez, responsable auprès de l’Eglise des relations avec le Judaïsme, a prononcé un discours pour rappeler les changements intervenus au sein de l’église catholique. Citant tour à tour Jean XXIII et Jan Paul II, l’abbé Arbez confirmait : Non, l’Alliance conclue par Dieu avec Israël n’avait pas été abrogée. Loin d’être une branche morte, les Juifs sont les frères aînés des Chrétiens. La foi juive est intrinsèque au Christianisme, car qui rencontre Jésus, rencontre d’abord le Judaïsme. En 2004, lors d’un symposium à Buenos-Aires, la commission pontificale pour les relations avec le Judaïsme a officiellement condamné l’antisionisme, car la plupart du temps, il n’est que le prétexte à banaliser la haine contre les Juifs par la diabolisation d’Israël. Ce qui est diabolique avec le fanatisme, c’est qu’il invoque des raisons particulières et mensongères pour justifier ses débordements et ses excès. On l’a vu avec le fascisme hitlérien et avec le communisme stalinien ; on le voit aujourd’hui avec l’intégrisme musulman qui a pris à son compte les héritages mortifères qui ont endeuillé la planète, et dont l’antijudaïsme constituait le dénominateur commun » (fin de citation d’André Namiech).
Troisième document
Dans « Le sionisme et les églises », Jean-Daniel Chavalier (voir http://www.primo-europe.org/ ) fait notamment les remarques suivantes (début de citation de Jean-Daniel Chevalier) : « Lors du Concile Vatican II, sous l’impulsion du Pape Jean XXIII, l’Eglise adopte une attitude plus positive vis à vis du peuple juif. Indirectement, le regard change aussi vis à vis de l’Etat d’Israël. L’Encyclique Nostra Aetate, qui réhabilite le peuple juif, est votée en 1965 malgré l’opposition des conservateurs. Elle rappelle que Dieu ne regrette ni ses dons, ni ses appels à son peuple, Israël. Ce climat plus favorable entraîne une rencontre entre le Pape Paul VI et le Président israélien Zalman Shazar en 1964. En 1975, le Vatican envoie un message dans lequel il reconnaît la légitimité du sionisme et de l’Etat d’Israël (…) C’est lors des Accords d’Oslo, en 1993, que le pas décisif est franchi. Le Vatican signe avec l’Etat d’Israël un accord fondamental qui scelle la reconnaissance de l’Etat d’Israël, mentionnant également la nature unique de la relation entre l’Eglise catholique et les Juifs (…) Le Pape Jean-Paul II, plutôt philosémite (réd. ami des juifs), tout comme son successeur Benoît XVI, parachèvera là, en quelque sorte, un long parcours (…) A côté de ce pragmatisme officiel, il y a dans le monde catholique un courant favorable au sionisme, avec une argumentation positive. La dimension théologique est présente par le fait que le peuple juif est le peuple de l’alliance pour lequel les promesses subsistent (…) Le philosophe catholique Jacques Maritain (1882-1973) a œuvré durant de longues années à la lutte contre l’antisémitisme, lors de l’affaire Dreyfus, lors de la deuxième guerre mondiale, et ce jusqu’à sa mort. Il fut Ambassadeur de France au Vatican et usa de sa position pour faire avancer le dossier juif dans l’Eglise catholique. Il était un sioniste convaincu. Il est le père spirituel d’un courant favorable au sionisme et à l’Etat d’Israël dans le catholicisme, courant actif en particulier dans l’Amitié judéo-chrétienne (…) Du côté des catholiques favorables au sionisme, le témoignage du père Emile Shoufani, curé de Nazareth, arabe palestinien de nationalité israélienne, est assez exceptionnel. Cet homme œuvre ardemment pour la réconciliation des Juifs et des Arabes. Il est un chrétien sioniste engagé, intégrant dans sa démarche une longue méditation sur le destin juif » (fin de citation de Jean-Daniel Chevalier).
Quatrième document
Dans la revue Sens, N° 8, août 2004, pp. 419-440 (voir http://www.upjf.org/dialogue-interreligieux/article-9400-133-6-combat-jacques-maritain-contre-antisemitisme-chevalier.html ), Yves Chevalier, présente plus en détail le catholique sioniste Jacques Maritain (début de citation d’Yves Chevalier) : « …Maritain a largement utilisé la “parole” - écrite ou orale - pour exprimer ce qu’il considérait, au niveau de la constitution de la société ou à celui des rapports entre les hommes, comme les conséquences nécessaires des principes à la fois du droit naturel et de la raison ; et il a, pendant près de cinquante ans, mené un combat qui ne fut pas sans courage. Maritain n’a jamais été antisémite. Dans le fameux texte de sa communication devant les participants à la première Semaine des écrivains catholiques, il prend soin d’insister, à plusieurs reprises, sur le fait, c’est Maritain qui le dit, ‘que (…) la tâche de l’écrivain catholique est alors d’éclairer l’opinion publique et de lui apprendre à raisonner de ces choses sans haine, en gardant la discipline qu’il convient (…) Les passions populaires et les pogroms n’ont jamais résolu aucune question, bien au contraire (…) il ne faudrait pas que la question juive serve de dérivatif au mécontentement et aux déceptions de l’heure présente, de telle manière que le Juif apparaisse, dans une sorte de mythologie simpliste, comme l’unique cause des maux dont nous souffrons (…) Plus la question juive devient politiquement aiguë, plus il est nécessaire que la manière dont nous traitons de cette question soit proportionnée au drame divin qu’elle évoque ; il est incompréhensible que des écrivains catholiques parlent sur le même ton que Voltaire de la race juive et de l’Ancien Testament, d’Abraham et de Moïse’. Maritain précisera (réd. 1941) : ‘L’antisémitisme est la peur, le mépris et la haine du peuple juif, et la volonté de le soumettre à des mesures de discrimination. Il y a bien des formes et des degrés d’antisémitisme. Sans parler des formes monstrueuses que nous avons à présent sous les yeux, il peut prendre la forme d’un certain orgueil et préjugé hautain, nationaliste ou aristocratique ; ou de simple désir de se débarrasser de concurrents gênants ; ou d’un tic de vanité mondaine ; voire d’une innocente manie. Aucune n’est innocente, en réalité. En chacune un germe est caché, plus ou moins inerte ou actif, de cette maladie spirituelle qui, aujourd’hui, éclate à travers le monde en une phobie fabulatrice et homicide’. Maritain écrira encore : ‘Il est difficile de n’être pas frappé de l’extraordinaire bassesse des grands thèmes de la propagande antisémite. Les hommes qui dénoncent la conspiration mondiale juive […] le meurtre rituel [...] semblent nés pour attester qu’il est impossible de haïr les Juifs en restant intelligent […] À un esprit suffisamment attentif, cette étonnante bassesse apparaît elle-même comme inquiétante, elle doit avoir un sens mystique. La sottise poussée trop loin confine au mystère’. Maritain avait aussi écrit, en 1937, dans L’impossible antisémitisme, que l’émancipation des Juifs, réalisée par la Révolution française, est un fait que les peuples civilisés, pour autant qu’ils veulent rester tels, doivent tenir pour acquis’. Reprenant un thème déjà utilisé par Léon Bloy lorsque, dans Le Salut par les Juifs, il affirmait : l’histoire des Juifs barre l’histoire du genre humain comme une digue barre le fleuve, pour en élever le niveau, mais en l’éclairant d’une méditation sur les chapitres de l’Épître aux Romains, où saint Paul traite de la destinée d’Israël après son faux-pas. Maritain définit l’Israël peuple de Dieu comme témoin des Écritures (…) comme témoin du surnaturel…c’est-à-dire de l’existence d’un au-delà du monde. Pour Maritain, au point de vue de sa caractérisation morale dans les perspectives catholiques, et lorsqu’il se répand parmi ceux qui se disent les disciples de Jésus-Christ, l’antisémitisme apparaît comme un phénomène pathologique qui révèle une altération de la conscience chrétienne quand elle devient incapable de prendre ses propres responsabilités dans l’histoire et de rester existentiellement fidèle aux hautes exigences de la vérité chrétienne. Alors, au lieu de reconnaître, dans les épreuves et les épouvantes de l’histoire, la visitation de Dieu, et d’entreprendre les tâches de justice et de charité requises par cela même, elle se rabat sur des fantômes de substitution concernant une race entière. L’antisémitisme reste, pour Maritain, la négation même du Message du Christ, ce qui explique que, puisque spirituellement le chrétien est un sémite, il ne peut concevoir un chrétien antisémite ; en même temps, il interprète l’antisémitisme, quelles qu’en soient les formes, comme une maladie spirituelle qui s’oppose à l’œuvre de Dieu. En s’attaquant à Israël, au peuple d’Israël en tant que tel, c’est l’éthique universaliste du Décalogue que l’on met en question ; et en exterminant les Juifs, c’est cette même éthique que l’on veut éradiquer de la surface de la terre. Dans le dernier ouvrage qu’il publie en 1970 : L’Église du Christ, Maritain constate que, progressivement élaborée au cours d’un affrontement multi-séculaire, la haine contre le peuple de la promesse était essentiellement religieuse (ce qui a conduit, à de nombreuses reprises, la papauté à prendre la défense des Juifs) ; et que ce n’est qu’à l’époque moderne qu’elle a pris une autre dimension, résolument séculière (…) Il convient donc que le théologien en tienne compte dans sa compréhension de l’Amour - unique, pour le Peuple d’Israël et pour l’Église - du Dieu Unique. C’est surtout après la Guerre, et en particulier lors de son séjour à Rome comme Ambassadeur de France près le Saint-Siège, que Maritain entreprendra un certain nombre de démarches directement liées à ce combat contre l’antisémitisme (…) Maritain tire la conclusion que ce dont Juifs et Chrétiens ont aussi, et par-dessus tout, besoin, c’est qu’une voix - la voix paternelle, la Voix par excellence, celle du Vicaire de Jésus-Christ (réd. du Pape) - dise au monde la vérité (…) pour témoigner de Sa compassion pour le peuple d’Israël, renouveler les condamnations portées par l’Église contre l’antisémitisme (…) pour préserver les âmes et la conscience chrétienne d’un péril spirituel toujours menaçant et pour toucher les cœurs de beaucoup d’Israélites. Maritain avait épousé un juive (…) ainsi écrit-il : Je voudrais être Juif par adoption, puisqu’aussi bien, j’ai été introduit par le baptême dans la dignité des enfants d’Israël (…) je suis des vôtres, oui, - juif par amour, je ne dis pas seulement spirituellement sémite, comme est tout chrétien, mais ethniquement juif, lié dans ma chair et ma sensibilité aux tribus d’Israël et à leur destinée ici-bas. Ce n’est pas par hasard qu’André Chouraqui demandera plus tard, en 1950, à Jacques Maritain de préfacer sa traduction des Devoirs du Cœur, de Bahya Ibn Paqûda (…) Mais cet amour pour Israël (…) me paraît reposer sur deux piliers essentiels : le texte des chapitres IX à XI de l’Épître aux Romains et une vision particulière de la mission d’Israël par rapport à, et en face de, celle de l’Église (…) Maritain poursuit : «Il y a une relation supra-humaine d’Israël au monde, comme de l’Église au monde (…) Aux yeux d’un Chrétien qui se souvient que les promesses de Dieu sont sans repentance, Israël continue sa mission sacrée (…) Israël, comme l’Église, est dans le monde et n’est pas du monde ». Ce face à face entre Israël et le monde, et le conflit qui y est inscrit, expliquent l’antisémitisme ; mais le double face à face commun entre Église-Israël et le monde, interdit au Chrétien d’être antisémite (fin de citation d’Yves Chevalier).
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