MONDE INFO

MONDE INFO
Monde Info - Centre d'analyses en ligne

lundi 23 avril 2007

USA : passage à vide ou déclin ?

Les « fuites », reprises dans la presse internationale, quant à une intervention militaire américaine contre l’Iran, ces « fuites » renvoient aux risques de guerre. Depuis la fin de la Guerre froide, les services secrets ne s’étaient plus livrés à des « opérations intox » d’une telle ampleur. Dans ce contexte imprévisible, les USA subissent-ils un passage à vide ? ou sont-ils, tout simplement, sur le déclin ? Car vouloir frapper l’Iran, tout en continuant de s’enliser en Irak ; voilà qui passe, aux yeux de certains analystes, pour une escalade désespérée. Et pour un échec de l’influence américaine au Proche et au Moyen Orient. Mais qu’en est-il vraiment ?

Voyons un peu les principaux événements de ces derniers mois. Depuis les élections parlementaires américaines de novembre 2006, l’opposition démocrate est majoritaire à la Chambre des Représentants (53%) et au Sénat (51%). Cela dit, la politique étrangère américaine, reste, le domaine réservé, du Président républicain Georges W. Bush. Or, celui-ci et une partie de son entourage, n’excluent pas, un bombardement, des centrales nucléaires iraniennes, avant les élections présidentielles américaines en 2008. En mars dernier, les parlementaires américains adoptent un projet de loi qui relie, d’une part, l’attribution de 124 milliards de dollars additionnels (pour financer la guerre en Irak) et l’envoi de 30'000 soldats supplémentaires ; à d’autre part, un retrait des troupes américaines, en 2008. Le jour même de l’adoption de ce projet de loi, le président Bush annonce son veto. Depuis, la moitié des 30'000 soldats supplémentaires sont en Irak et tentent de sécuriser Bagdad. A titre indicatif, il y avait déjà 140'000 soldats américains en Irak. Les guerres en Afghanistan, depuis 2001, et en Irak, depuis 2003, coûtent 10 milliards de dollars par mois. Le budget annuel du département américain de la défense se monte à 440 milliards de dollars (1). Si les Américains sont divisés sur la politique à suivre (2), les Irakiens le sont encore d’avantage. Fin mars, 74% des Irakiens déclarent ne pas se sentir en sécurité dans leur propre quartier. Et 78% des Irakiens déclarent être opposés à la présence de troupes étrangères (3). L’actuelle tentative de sécuriser Bagdad, commencée mi-février, et renforcée par les 30'000 soldats américains supplémentaires, ne devrait pas porter de fruits avant juin prochain. D’ici-là, il semble donc hasardeux de parler de passage à vide ou de déclin américain. Cela dit, pour l’instant, la situation reste assez catastrophique. Le 12 avril, un kamikaze se fait exploser dans la cafétéria du Parlement irakien, tuant deux députés. Le même jour, une explosion, fait sauter, le principal pont sur le Tigre, reliant l’est et l’ouest de Bagdad. Le 16 avril, six ministres chiites (adeptes de l’imam radical Moqtada al-Sadr réfugié en Iran) démissionnent du gouvernement. Motif : le Premier ministre Maliki, lui aussi chiite, refuse de fixer un calendrier de départ des troupes américaines. Le 18 avril, des attentats sunnites tuent près de 200 personnes à Bagdad, en secteur chiite. Voilà pour l’Irak. Qu’en est-il de l’Iran ?
A ce stade, la menace, d’une intervention militaire américaine, n’intimide pas l’Iran. Le 13 mars, lors d’une session de la Conférence du désarmement, à Genève, le ministre iranien des Affaires étrangères, Manouchehr Mottaki, traite Israël de « régime sioniste détenant de sombres records de crimes ». Le 15 mars, le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, déclare que le Conseil de Sécurité de l’ONU (qui prévoit de nouvelles sanctions contre l’Iran du fait que celui-ci enrichit de l’uranium), n’a « aucune légitimité ». Le 21 mars, le guide suprême de la révolution islamique iranienne, l’ayatollah Ali Khameni, d’une part, annonce que l’Iran poursuit l’enrichissement d’uranium ; et d’autre part, menace les USA de représailles en cas d’attaque américaine. Le 23 mars, les forces navales des gardiens de la révolution iranienne, prennent en otages, quinze militaires britanniques, dans les eaux territoriales irakiennes. Cela se produit la vielle de l’adoption, par le Conseil de Sécurité de l’ONU, de sanctions plus lourdes contre l’Iran (toujours en raison de son programme nucléaire). Le 5 avril, l’Iran libère les quinze otages britanniques. A quoi rime cette histoire d’otages ? En fait, un commando américain capture, le 11 janvier, cinq officiels iraniens, en Irak, dans la ville kurde d’Arbil. Le but majeur de l’opération commando n’est toutefois pas atteint, à savoir la capture de deux officiers supérieurs du renseignement iranien. Les Américains, récupèrent aussi, un des anciens hauts responsables des gardiens de la révolution, un général iranien qui fait défection en mars, depuis la Turquie. La comédie iranienne, avec les otages britanniques, arrêtés puis relâchés, s’inscrit dans cette guerre secrète entre l’Iran et les USA (4). Le 10 avril, l’Iran, annonce, la planification de 50'000 centrifugeuses, dans le cadre de son passage à l’enrichissement, (désormais à l’échelle industrielle) de l’uranium. A titre indicatif, 3'000 centrifugeuses permettent d’obtenir, suffisament d’uranium enrichi pour une bombe nucléaire, en l’espace de six à douze mois.
En résumé et en conclusion, il est prématuré de parler passage à vide ou de déclin américain au Proche et au Moyen Orient. L’Iran des ayatollahs prépare la guerre. Le régime iranien prévoit la dernière grande bataille avant la Fin des Temps en 2009. Un vent de folie souffle sur Téhéran.

Miguel Garroté

(1) Voir l’hebdomadaire britannique The Economist, du 31 mars 2007, pp. 49-50.

(2) 70% des Américains ne soutiennent plus la guerre selon un sondage diffusé par CNN mi-mars.

(3) Sondage diffusé, le 19 mars 2007, par la British Broadcasting Corporation (BBC) et l’American Broadcasting Corporation (ABC News).

(4) Voir le quotidien britannique The Independent, du 3 avril 2007, investigation de Patrick Cockburn, intitulée “The botched US raid that led to the hostage crisis” et l’hebdommadaire français Valeurs Actuelles du 6 avril 2007, article intitulé « Le jeu risqué de Téhéran ».

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

laissez un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.