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Lettre ouverte à Jacques Attali
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Michel Garroté
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Mardi 20 octobre 2009 - 2 Heshvan 5770
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Monsieur Jacques Attali, Je me souviens de vous, jadis, lorsque j'étais à la fois porte-parole du PDG de Nestlé International, Helmut Maucher, porte-parole de la Table Ronde Européenne des Industriels (ERT), et partie prenante dans les négociations de rachats d'entreprises (Cocoladovny, Carpatia, Intersokolade, etc.), par Nestlé, en Hongrie, en République tchèque et en Slovaquie, en 1990, 1991, 1992 et 1993. Durant cette période, je me suis souvent rendu à Budapest, à Prague (notamment au Palais Wallenstein avec le gouvernement tchèque de l'époque, ainsi qu'avec les grands patrons de Nestlé et de Danone, pour l'opération conjointe dans Cocoladovny) et à Bratislava avec Helmut Maucher (PDG et CEO de Nestlé), Ramon Masip (COO de Nestlé) et Antoine Riboud (PDG de Danone).
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Vous étiez alors à la tête de la BERD, une organisation internationale basée à Londres, fondée en 1990 et inaugurée en 1991. Le but de la BERD que vous présidiez était de favoriser la transition vers une économie de marché dans les pays d’Europe centrale et orientale (PECO) et dans l’ex-URSS. Je me souviens très bien que votre gestion de la BERD avait été mise en cause - à tort ou à raison - du fait de dépenses fastueuses, tel le coût de la construction du siège de la BERD à Londres (construction ayant couté l'équivalent de 85 millions d’euros), avec un hall d’entrée somptueux en marbre. Ont aussi été critiqués - à tort ou à raison - vos voyages en jet privé, vos rémunérations pour des conférences, des repas ainsi que - à tort ou à raison - des dépenses personnelles nocturnes à caractère récréatif (je crois même me souvenir que la presse britannique s'était penchée - sans doute à tort - sur votre fréquentation, présumée, d'un club privé londonien, club fort onéreux, du fait de l'exceptionnelle qualité de son personnel féminin). Votre gestion de la BERD a été mise en cause - à tort ou à raison - dans un rapport effectué par Coopers and Lybrand dénonçant - à tort ou à raison - un gaspillage considérable. Vous avez démissionné - à tort ou à raison -, suite à ce rapport, en 1993. Tels sont mes souvenirs. Si ma mémoire me trahit et si je suis mal informé, n'hésitez pas à me le faire savoir. Je vous présenterai alors - par écrit sur Internet - toutes mes excuses.
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Du reste, c'est non pas votre passé, mais votre présent qui m'intéresse. En effet, vous venez de donner une interview qui, sauf erreur de ma part, a été publiée dans le journal israélien Haaretz du vendredi 16 octobre 2009, interview dans laquelle vous affirmez, si je ne m'abuse : "l’antisémitisme n’existe pas en France. (…) L’antisémitisme est nul en France. C’est un pur mensonge. C’est de la propagande, de la propagande israélienne. C’est ridicule". Interrogé sur la difficulté de porter une kippa dans certaines banlieues, ou dans le métro, votre réponse, sauf erreur de ma part, a été : "Peut-être que c’est vrai, mais personne ne m’a jamais dit qu’il faisait cela". Interrogé sur l’antisémitisme musulman en France, votre réponse a été, si j'ai bien lu : "Absolument pas !". Et si j'ai bien compris, le journaliste de Haaretz a continué à vous questionner sur l’antisémitisme en France et vous l’avez interrompu comme ceci : "Ce n’est pas ce dont nous devrions parler. Je suis déçu. Nous devrions parler de sujets plus importants. Il y a des choses plus importantes à traiter que mon opinion sur un problème inexistant".
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Voilà pour vos déclarations - stupéfiantes - dans Haaretz. Par ailleurs, je crois savoir que vous serez demain mercredi 21 octobre en Israël pour modérer un débat à la « Conférence du Président » (« The Israeli Presidential Conference 2009 ») où interviendront notamment le président israélien Shimon Peres et l'ancien Chef d'Etat espagnol Jose Maria Aznar, un ami d'Israël.
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Au risque de vous irriter, je me demande vraiment ce qui justifie votre présence en Israël demain mercredi. Car à lire vos propos dans Haaretz, je ne vois pas très bien ce que vous pouvez offrir à un peuple (le peuple israélien) qui est largement conscient de l'antisémitisme sévissant en France et qui a majoritairement élu un gouvernement de droite. A vous lire, vous semblez plutôt appartenir à la catégorie des alter juifs tels Charles Enderlin et Valérie Hoffenberg. Alors que Messieurs Peres et Aznar semblent plutôt appartenir à la catégorie des Juifs vigilants pour le premier ; et à la catégorie des Catholiques amis des Juifs pour le second.
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Mais peut-être ai-je raté un épisode. Sans doute votre présence aux côtés de Messieurs Peres et Aznar évitera-t-elle que la « Conférence du Président » ne sombre dans la paranoïa ; qu'elle ne sombre dans une paranoïa qui alléguera - de façon anachronique bien sûr - que les synagogues et les cimetières juifs de France sont profanés. Que les Juifs de France qui se rendent à la synagogue le samedi avec une kippa sur la tête ce font agresser par des mahométans de souche africaine. Que Monsieur Dieudonné alias M'Bala M'Bala est archi-judéophobe. Que Ilan Halimi s'est fait torturé à mort par des blacks musulmans en France. Que sous le déguisement grossier et bouffon de l'anti-sionisme, la France pratique - en toute bonne conscience - l'antisémitisme nouveau. Que l'Iran, le Hezbollah et le Hamas veulent rayer le peuple israélien de la carte et même de l'histoire. Que la théocratie intégriste iranienne aura sa première bombe atomique fin 2009 ou début 2010.
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Oui, c'est cela, c'est sûrement cela qui explique votre présence demain en Israël : vous y allez afin de prêcher la bonne parole ; afin de dire que tout va bien pour les Juifs de France ; afin de dire qu'Israël doit faire des concessions territoriales au Fatah qui aime tant les Juifs ; afin de dire aux Juifs Israéliens que s'ils veulent garder un semblant de respectabilité dans le monde, ils doivent désavouer Binyamin Netanyahu et ovationner Barack Hussein (bien qu'il ne sera pas en Israël demain, mais qu'importe...). En somme, vous avez, jadis, pris soin - à votre façon - des peuples d'Europe centrale et orientale. Vous prenez demain soin du peuple d'Israël. A votre façon. Bon vol demain. Je veux dire bon voyage. Et veuillez agréer, monsieur Jacques Attali, mes salutations distinguées. Avec, tout de même, une certaine compassion de ma part.
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Michel Garroté
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mardi 20 octobre 2009
Lettre ouverte à Jacques Attali
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