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Un étrange printemps bourgeonne en Syrie
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Michel Garroté à Tel Aviv
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Indépendamment de ce qu’écrivent les autres membres de l’Equipe Drzz – nous défendons toutes et tous les mêmes valeurs en conservant chacun notre liberté d’analyse – j’aimerais livrer ici quelques réflexions personnelles sur la situation en Syrie.
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D’abord, je constate, que la très grande majorité des médias occidentaux, continuent de s’extasier, à chaque fois que ce qu’ils appellent, « le printemps arabe », surgit dans un nouveau pays musulman.
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Ainsi, entre hier soir et ce matin, les sites Internet de ces médias nous annoncent, avec plus ou moins de nuances – et surtout parce qu’ils en rêvent – la fin de la dynastie Assad en Syrie.
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Or, la question n’est pas seulement de savoir si, oui ou non, le dictateur syrien Bachar Al-Assad sera renversé. La question est aussi – et peut-être surtout – de savoir par quel genre de régime il sera remplacé.
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A cet égard, je note, avec intérêt, que le Cheikh Ali Issa Al-Ubeidi, a tout récemment déclaré – dans un communiqué de l'Union des tribus arabes syriennes, communiqué téléchargé sur Internet – (extraits adaptés) : « Au nom d'Allah, le Clément, le Miséricordieux, nous déclarons une révolution contre le régime. Les vents de la libération et du changement ont soufflé contre le régime dictatorial communautaire de ce pays. 41 ans de règne illégitime de la famille Al-Assad se sont écoulés ».
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Le Cheikh Ali Issa Al-Ubeidi ajoute : « Ce régime a tourmenté notre peuple syrien de la plus horrible des manières : en tuant, torturant, emprisonnant, déplaçant, violant l'honneur de la population et usurpant ses biens publics et privés. Le bilan des victimes de ce régime criminel dépasse les 100.000 martyrs, avec autant de disparus, et trois millions de déplacés. En outre, ce régime a démoli l'économie nationale, pillé les ressources du pays, dont il a fait la propriété privée de la famille Al-Assad, de la famille Makhlouf, de la famille Shalish, de la famille Al-As'ad et de la famille Al-Akhras ».
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Le Cheikh Ali Issa Al-Ubeidi précise : « Le régime a affamé le peuple syrien, afin qu'il demeure occupé à chercher du pain, au lieu de s'engager dans la politique et de demander au régime des comptes pour les crimes commis. Les tribus que nous représentons, qui constituent plus de 50% de la population syrienne, déclarent une révolution contre le régime corrompu d'Al-Assad. Nous nous sommes engagés devant Allah à mener une révolution contre le dictateur - ainsi que contre ses assistants et mercenaires - afin de nous débarrasser de lui une bonne fois pour toutes. La victoire appartient au grand peuple syrien, alors que la honte et l'humiliation seront le lot de ce régime de la tyrannie, de la domination et de la corruption » (Fin du communiqué).
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Le Cheikh Ali Issa Al-Ubeidi, dans ce texte officiel publié sur Internet, déclare donc la « révolution » contre le régime. Bien. Il le fait au nom des tribus qui composent plus de la moitié de la société syrienne. Bien. Cette révolution rassemble donc la majorité des Syriens. Bien. La majorité des Syriens, en effet, sont sunnites. Bien. Le régime contre lequel les sunnites déclarent la « révolution », est un régime non pas sunnite, mais alaouite. Tiens !
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Cette « révolution », annoncée par un Cheikh sunnite, est proclamée, je cite le Cheikh, « Au nom d'Allah, le Clément, le Miséricordieux ». Tiens ! Les victimes du régime alaouite sont qualifiées de « martyrs ». Tiens ! Le Cheikh, au cas où l’on n’aurait toujours pas compris, réitère et précise : « Nous nous sommes engagés devant Allah à mener une révolution ». Ah tiens ! Les formules « démocratie », « élections libres » et « droits de l’homme », n’ont pas été utilisées une seule fois, dans un texte, rédigé au nom de la majorité des Syriens, et, surtout, au nom d’Allah.
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L’actuel régime syrien, alaouite et dictatorial, est un régime abominable, je suis le premier à le reconnaître. L’actuel régime syrien réunit une petite minorité alaouite dans un pays à majorité sunnite, je le sais depuis longtemps. L’actuel régime syrien, depuis des décennies, est l’un des principaux responsables de la souffrance des chrétiens du Liban et j’étais très seul – et très mal vu – durant la période 1975-1990, quand je prenais la défense de Forces Libanaises de Samir Geagea.
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Les manifestants syriens présentés, ces jours-ci, sur nos écrans de télévision, semblent être de jeunes laïcs, certes. Mais cela dit, je n’ai pas vu, sur nos écrans de télévision, des images de l’ensemble des manifestants. Y aurait-il sélection ?
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Je n’ai pas vu ceux qui constituent la majorité de la population ; et qui sont sous l’autorité du Cheikh sunnite Ali Issa Al-Ubeidi. De quelle liberté parlent les insurgés, les rebelles, les « révolutionnaires » ? Je me souviens, qu’il y a trente-deux ans, des insurgés, des rebelles, avaient parlé de « révolution ». C’était la Révolution iranienne. La Révolution iranienne est vite devenue une « Révolution islamique ».
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Et la Révolution islamique iranienne, depuis trente-deux ans, est une effroyable théocratie intégriste, qui, aujourd’hui encore, nous complique, à tous, énormément la vie.
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La vérité, c’est que personne ne peut dire, avec certitude, à quoi ressemblera la Syrie dans un jour, dans une semaine, dans un mois. Personne ne peut garantir que la Syrie de demain entretiendra de bonnes relations avec les Chrétiens du Liban et de bonnes relations avec Israël. Il est possible qu’avec un pouvoir syrien sunnite, les chiites iraniens et libanais se retrouvent en mauvaise posture. Mais personne ne peut affirmer cela avec certitude.
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La seule vérité vraie, c’est que nous ignorons tous, à quoi ressembleront, demain, le Maghreb, le Proche et le Moyen Orient.
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Correspondance de Michel Garroté à Tel Aviv
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