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vendredi 18 février 2011

Omar Souleiman, le James Bond honnis du Caire - Par Michel Garroté

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Omar Souleiman, nouvel homme fort de ‘l’Egypte post-Moubarak’, a empêché que les émeutes du Caire ne soient récupérées par les Frères musulmans au profit d’un Califat égyptien intégriste. De ce fait, Omar Souleiman n’est pas du tout apprécié chez nos journaleux gauchisants qui auraient préféré voir l’Egypte sombrer dans l’anarchie et le chaos. A cet égard, je m’amuse toujours, lorsque je lis, sous la plume de certains de mes confrères, que les USA et Israël sont parvenus à éviter que les Frères musulmans ne prennent le pouvoir au Caire. Je sens dans leur prose comme un regret, une amertume, du fait qu’il n’y a finalement pas eu, au pays du Nil, un happening révolutionnaire, un Grand Soir, lors duquel, une foule hystérique - d’hommes barbus et de femmes voilées - aurait lynché Moubarak et toute sa famille.
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Etrange, ce goût (jamais assouvi) du sang (qui n’a pas assez coulé). Etrange, cette frustration de ne pas avoir pu filmer des masses de ploucs s’acharner physiquement sur des chefs qui déclinent. Etrange, cette haine des régimes autoritaires pro-occidentaux. Etrange surtout, cette complaisance à l’égard des pires dictatures anti-occidentales de la planète, l’Iran, la Chine, la Birmanie, la Corée du Nord. Il faut vraiment que certains de mes confrères occidentaux soit infestés, jusqu’à l’os, par la haine de soi, pour préférer, les pires dictatures anti-occidentales de la planète, aux régimes autoritaires pro-occidentaux.
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C’était déjà le cas au temps du national-socialisme et du communisme, qui tous les deux ont bénéficié de l’indulgence d’une certaine presse pacifiste de gauche (presse qui à l’époque, avait écrit, noir sur blanc, qu’il fallait préserver la paix, malgré le sort réservé par le national-socialisme aux Juifs Allemands). Une certaine presse pacifiste de gauche qui, à l’époque, voulait la paix et le déshonneur (mais qui en définitive, a eu et la guerre, et le déshonneur). C’est encore le cas avec l’islamisme. Sauf que l’islamisme menace de contaminer 1,3 milliard de musulmans. Auquel cas nous serions bientôt confrontés à un totalitarisme religieux qui comptera nettement plus d’adhérents que jadis le national-socialisme et le communisme. La haine de soi occidentale, ce serait-elle transformée, en vecteur privilégié, d’un vaste suicide collectif en gestation ?
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A propos d’Omar Souleiman, on peut lire sur le Site Internet de l’hebdomadaire français ‘Le Point’ (cf. source en bas de page), un étrange article de Mireille Duteil, Denise Ammoun et Danièle Kriegel (épouse de Charles Enderlin), qui écrivent, les trois femmes ensemble (mes commentaires entre parenthèses) : Hier, c'était un homme de l'ombre. Le gardien des secrets de l'Égypte. Aujourd'hui, on voit déjà dans le général Omar Souleiman le nouveau raïs. Au moins dans une période de transition si, dans les prochaines semaines, Hosni Moubarak, le président, quitte un pouvoir auquel il s'accroche et dont la réalité lui a déjà filé entre les doigts comme des grains de sable. Contraint et forcé, sous la pression des Américains, il a dû consentir, le 29 janvier, à nommer Omar Souleiman (général de 74 ans, patron des services de renseignement, précise l’article de Mireille, Denise et Danièle) à la vice-présidence de l'État. Un marche-pied pour le pouvoir.
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Grand et mince, le front dégagé, une moustache soigneusement taillée, un regard aigu sous des sourcils épais, la peau hâlée des Égyptiens du Sud - il est né à Qena, au Nord de Louxor, dans une famille aisée -, Omar Souleiman est sorti de l'obscurité où son métier de chef-espion le cantonnait depuis vingt ans. Ce n'est pas totalement une surprise. Son nom - comme celui de Gamal, le fils du chef de l'État, aujourd'hui éliminé de la course à la présidence - était, avant la révolte populaire, en tête de la liste des successeurs de Moubarak aux élections de septembre. Si peu d'Égyptiens connaissaient son visage - il n'était jamais en photo dans la presse officielle -, tous savaient qu'il était le deuxième homme le plus puissant du pays. Un des piliers du "cabinet noir", comme on appelle au Caire ce groupe de cinq ou six conseillers qui, autour de Moubarak, gouvernait l'Égypte.
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Aujourd'hui, les cartes sont rebattues. Après la Tunisie, l'Égypte vit une révolution dont on n'est pas certain qu'elle conduira à un changement de régime. Omar Souleiman y veille. Il sait qu'il tient entre ses mains le sort du plus grand pays arabe. Militaire au flegme très britannique et à la politesse exquise, amateur de cigares, il a troqué, il y a vingt ans, en devenant le patron des services, l'uniforme contre les costumes rayés. Il s'est donné une mission : sauver le régime, fragilisé par les centaines de milliers de manifestants qui aux quatre coins du pays exigent sa disparition.
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Omar Souleiman a une méthode : le temps et le dialogue. Il veut récupérer la révolution de velours à l'égyptienne. Un "happening" joyeux qui faillit tourner au drame, début février, lorsque le président lança à l'assaut de la place Tahrir des policiers en civil et des baltaguis (voyous armés), montés sur des chameaux et de petits chevaux. Bilan : 5000 blessés dans un décor de guerre civile. Plusieurs milliers de manifestants campent encore sur la place Tahrir, sous des tentes et des bâches de fortune (Note de Michel Garroté :  la place Tahrir a donc accueilli quelques milliers d’Egyptiens sur un total de 80 millions d’Egyptiens ; et les manifestants ont été chargés, non pas par des chars d’assaut, mais par des chameaux ; on a vu pire en terme de massacres…). Il y a là des jeunes, nombreux, qui veulent croire encore que le départ de Moubarak leur apportera la liberté et la démocratie ; des déshérités qui rêvent de jours meilleurs ; des Frères musulmans en costume-cravate et au discours modéré ; des salafistes barbus qui brandissent un coran ; des opposants qui espèrent qu'une Égypte nouvelle sortira de la contestation. Vendredi, à l'heure de la prière, coptes (chrétiens, précise l’article) et musulmans se tenant par la main ont formé une chaîne humaine pour protéger les fidèles. Dimanche, à deux reprises, sur cette même place, un prêtre a célébré la messe. Des hommes brandissaient une croix, d'autres, leurs voisins, un coran (Note de Michel Garroté : les autorités coptes donnent une version des faits très différente ; on aimerait bien revoir les hommes qui brandissaient la croix avec d'autres, qui brandissaient le coran).
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En bon chef des renseignements, Omar Souleiman sait qu'il doit agir avec doigté. En Égypte, l'armée n'a jamais tiré sur la population, à l'exception de cette terrible révolte de 17000 conscrits, en 1986. Ce sont toujours les forces de sécurité et la police, haïe, qui font le sale boulot, insistent les auteurs de l’article. Proche des Américains (ndmg - ça va, on a compris…), qui l'ont adoubé pour assurer une "transition pacifique" (ndmg - est-ce un mal ?), comme le répète jour après jour Hillary Clinton (ndmg - elles n’aiment pas Hillary…), Souleiman sait qu'il n'a pas d'autre choix que le dialogue avec les jeunes révoltés de Tahrir. Une méthode qu'il espère efficace pour épuiser les manifestants, dont certains campent sur la place depuis plus de deux semaines et déclarent qu'ils ne la quitteront pas avant le départ de Moubarak.
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Omar Souleiman, dont le seul nom faisait hier trembler les Égyptiens, a donc imposé son tempo et le contenu des réformes. Le vendredi 4 au soir, c'est lui, l'homme de l'ombre, qui va à la télévision répondre aux questions d'un journaliste. Il veut rencontrer les manifestants. Tous protestent. "Pas question tant que Moubarak n'a pas démissionné." Dimanche, il les reçoit, en deux groupes, alors que la situation n'a pas évolué. À ses côtés, six jeunes, cinq garçons et une fille, Dahlia Metwalli, ambassadeurs de cette foule non organisée et sans leader qui campe sur Tahrir et veut démocratiser l'Égypte. Puis Omar Souleiman écoute les représentants des partis, entre autres le Parti national démocratique au pouvoir, dont Gamal Moubarak était le numéro trois avant qu'il ne démissionne de son poste l'avant-veille. Aux côtés des leaders traditionnels, de droite et de gauche, des membres des Frères musulmans. Une première. Non seulement leur parti est interdit depuis 1954, mais Omar Souleiman les tient à l’œil depuis vingt ans. La lutte contre l'islamisme et le terrorisme est l'un de ses principaux dossiers. Et, alors que ce dimanche, place Tahrir, on prie pour les "martyrs", dans son bureau le vice-président se tient debout avec ses hôtes et observe une minute de silence pour les victimes avant de commencer la réunion. Belle reconnaissance de la légitimité de la "révolution". Mais, leur explique Souleiman, calme et précis : "Il n'est pas question d'accepter le départ de Moubarak ou de lui demander de déléguer ses fonctions." Il les écoute attentivement, accepte des "modifications temporaires" de la Constitution et promet une "période de transition honnête".
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A-t-il convaincu ? Sous ses dehors lisses, Omar Souleiman est un personnage énigmatique. "Il est austère, rigoureux et très réservé" , dira l'un de ses anciens compagnons d'études. D'ailleurs, depuis qu'il est devenu le patron des services, il a pris beaucoup de soin à tisser un voile d'ombre autour de sa vie. Il n'a gardé que quelques amis et met ses simples relations à l'écart. Marié et père de trois enfants, il ne s'accorde qu'une seule distraction quotidienne : la marche. Militaire passé par Moscou à l'époque où l'Égypte de Gamal Abdel Nasser y envoyait ses officiers en formation, puis par une école militaire aux Etats-Unis (Note de Michel Garroté : est-ce à partir de là qu’il cesse d’être fréquentable ?), vétéran des guerres du Yémen, puis de celles de 1967 et 1973 contre Israël, il dirige depuis peu les services de renseignement quand sa méfiance légendaire lui permet de s'assurer la totale confiance de Hosni Moubarak. En juin 1995, contre l'avis des principaux conseillers du raïs, il exige que le président prenne sa voiture blindée pour se rendre au sommet d'Addis-Abeba. Son entêtement va permettre à Moubarak de sortir indemne de l'embuscade tendue par un groupe terroriste : les Gama'at al-Islamiya. C'est la même prudence qui, l'été 1997, incite Souleiman à exiger que soient renforcées les mesures de sécurité autour des sites touristiques. Le ministre de l'Intérieur n'en tient pas compte et, le 17 novembre, l'attentat de Louxor fait 62 victimes.
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Dès lors, le patron des services accélère la chasse aux groupes armés islamistes. Musulman pieux, il déteste ceux qui utilisent la religion à des fins politiques. Surtout par la violence (ndmg – je suis ému jusqu’aux larmes). La guerre qu'il mène aux radicaux du Jihad et des Gama'at al-Islamiya est sans merci, jusqu'à leur démantèlement. Des milliers de personnes sont arrêtées. Les chefs des groupuscules lancent l'appel à la trêve du fond de leurs prisons. Elle sera respectée pendant quelques années. Après le 11 Septembre, les relations entre les services d'Omar Souleiman et la CIA se font plus étroite (Note e Michel Garroté : j’ose espérer qu’Omar Souleiman a surtout renforcé ses relations avec le renseignement militaire américain ; car la CIA, entre nous soit dit, s’est faible). Ils coopèrent pour arrêter les islamistes radicaux et les sympathisants d'Al-Qaïda. Au fil du temps, la confiance entre le patron des Moukhabarate et Moubarak est devenue totale. Souleiman se rend tous les jours au palais présidentiel. Il est un des rares militaires à avoir aussi le titre de ministre sans portefeuille et à disposer d'un bureau au palais. Il sait se rendre indispensable. "C'était un ministre des Affaires étrangères bis", assure un diplomate. Pas un dossier sensible du pays ne lui échappe. Il est l'émissaire du raïs lors des contacts difficiles avec les États-Unis, Israël, la Syrie, le Soudan. Les négociations israélo-palestiniennes sont devenues les siennes.
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Rien d'étonnant que, dans cette période où le raïs vacille, Omar Souleiman rassure les Américains et les Israéliens. Ils le connaissent bien. Voilà vingt ans qu'il est l'interlocuteur privilégié des Israéliens de droite comme de gauche. On dit à Jérusalem que Yossi Beilin, l'un des artisans des accords d'Oslo qui fut ministre de la Justice dans le gouvernement d'Yitzhak Rabin, puis député de gauche, avait porte ouverte chez Omar Souleiman (Note de Michel Garroté : oui, bon, cela dit, c’est Menahem Begin du Likoud qui a signé la paix avec l’Egypte, alors faudrait pas non plus trop déconner…). Un négociateur israélien qui a partagé des dizaines d'heures de discussions avec lui affirme que le seul sujet sur lequel il a toujours refusé de s'exprimer, c'est l'état de santé du président Moubarak. Aux États-Unis, certains de ses interlocuteurs l'ont surnommé "the troubleshooter", celui qui met fin aux troubles. Ils le disent doté aussi d'un étrange pouvoir de persuasion. Omar Souleiman va en avoir besoin s'il veut à la fois sauver le régime et mener le pays sur la voie de la liberté et de la démocratie. La quadrature du cercle (Note de Michel Garroté : décidément, c’est l’amertume jusqu’au bout ; oui, vraiment, c’est trop dommage que les Frères musulmans n’aient pas pris le pouvoir ; ah non mais vraiment, avec Omar Souleiman ça va être terrrrible…).
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Fin de l’article de Mireille Duteil, Denise Ammoun et Danièle Kriegel paru sur le Site Internet de l’hebdomadaire français ‘Le Point’ avec mes commentaires entre parenthèses.
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Michel Garroté
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