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jeudi 29 janvier 2009

La question juive est de retour

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Miguel Garroté, jeudi 29 janvier 2009 - Aujourd’hui, encore plus que de coutume, je ne suis pas du tout, mais alors pas du tout d’humeur, à mâcher mes mots, ou à faire semblant de rester poli, au prétexte fallacieux, qu’un journaliste, serait soi-disant tenu, à un langage châtié, sous peine de voir son article disqualifié, par tel ou tel lecteur mondain. Mais que se passe-t-il ? Il se passe que nous revenons - lentement mais sûrement - à la pratique du pogrom (1). La question juive est de retour. Et lorsque la question juive est de retour, les premiers à en souffrir sont les Juifs ; et les deuxièmes à en souffrir sont les Chrétiens. Hitler a exterminé six millions de Juifs. Et Hitler a aussi écrit que l’on ne peut pas être Allemand et Chrétien, que c’est l’un ou l’autre. Idem en terre dite d’islam : là où les Juifs ont fait l’objet de pogroms, les Chrétiens font l’objet de persécutions. Je m’explique. Il s’agit, pour l’instant, de pogrom verbal.
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A propos de pogrom verbal et pour mémoire, le lundi 1er septembre 2008 j’ai publié
L'antisémitisme, l'antisionisme et la judéophobie moderne . Le 7 mai 2008, soit quatre mois auparavant, j’ai publié « Antisémitisme : Des livres qui tuent encore aujourd'hui ». Le mercredi 19 décembre 2007, soit neuf mois auparavant, j’ai publié L'ANTISÉMITISME EST TRÈS RÉPANDU. Voilà ce qui se passe et ce n’est pas terminé. Toujours à propos de pogrom verbal, le mardi 20 janvier 2009 j’ai publié ONU, Hamas, médias, même combat ?, article dans lequel j’ai notamment écrit : « Le fait qu’une fois de plus, l’ONU et les médias se soient rangés du côté palestinien, quitte à disculper et même à légitimer le Hamas – un des groupes les plus répugnants de la mouvance islamiste radicale – ce fait en dit long sur l’état de putréfaction avancée de la conscience occidentale » (voir Hitler est de retour. Et le monde s'en fiche. ; ainsi que Hitler est de retour (2e partie) ; et également National-socialisme, cuvée 2008.).
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En fait, du 2 au 23 janvier 2009, chaque jour, j’ai publié des informations sur l’opération israélienne dans la bande de Gaza. Dans ce cadre, j’ai souligné que l’attitude hamassophile des gouvernants, des médias, des organisations internationales et non gouvernementales, cette attitude hamassophile était pire concernant l’opération israélienne dans la bande de Gaza que ne fut l’attitude crypto-soviétique durant la Guerre froide. Toujours dans ce cadre, j’ai tiré la sonnette d’alarme, concernant la montée de la judéophobie, notamment dans les « manifestations pro-palestiniennes » qui ont eu lieu ces dernières semaines en Europe, notamment en France (arborer des drapeaux du Hamas et du Hezbollah tout en brûlant des drapeaux d’Israël fait donc désormais partie de la légalité républicaine).
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Or, voici que je tombe, ce matin, sur un article qui confirme - quasiment mot pour mot - ce que j’essaye de décrire, jour après jour, sur Internet, depuis avril 2007, soit depuis bientôt deux ans. Le fait que l’article lu ce matin confirme ce que j’écris depuis avril 2007 ne me réjouit pas. Cela me conforte certes dans mes analyses, mais cela surtout m’inquiète. Cela m’inquiète car l’auteur de cet article n’est pas un quelconque quidam halluciné. L’auteur de ce texte n’est autre que Shmuel Trigano (2). La question juive est de retour. Et il n’y a pas de quoi rire. Lisez seulement.
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Ainsi donc, sur
http://www.controverses.fr/blog/blog_trigano.htm, dans un article publié le mardi 27 janvier 2009, article intitulé « Le concept de ‘pogrom médiatique’ », Shmuel Trigano écrit (début de l’article de Shmuel Trigano) : « Le concept de ‘pogrom médiatique’, malgré sa tonalité critique virulente, pourrait bien avoir une valeur heuristique intéressante pour comprendre certains des effets de la guerre de Gaza sur les pays d’Europe de l’Ouest et tout spécialement la société française. Il ne faudrait bien sûr pas l’entendre dans sa portée idéologique mais sociologique. A quoi a-t-on assisté en effet avec la guerre de Gaza, comme avec la précédente guerre du Liban, ou la deuxième Intifada, sinon à un épisode d’extrême violence symbolique envers Israël, particulièrement effervescent par son émotionnalité, la virulence radicale de la condamnation, la stigmatisation, l’unanimité étrange d’un bout à l’autre du spectre politique ? ».
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« Le pogrom était un bref embrasement d’une population qui dévastait le quartier juif et tuait les Juifs. Point n’est le cas, heureusement mais, de fait, les Juifs se sentent déshonorés, méprisés, abandonnés, exclus, isolés dans leur environnement. Comme s’ils avaient été roués de coups réels. Ils le sont, certes, d’une certaine façon, par les agressions dont ils ont été la cible. Le passage du symbole à l’acte s’est produit à travers de grandes et violentes manifestations, répétitives, organisées selon un plan manifestement prémédité d’envergure nationale, visant à créer une atmosphère d’émeutes. Des actes d’agression ont été perpétrés contre des Juifs mais c’est surtout leur personne symbolique qui a reçu des coups. La dignité et l’image de soi font aussi partie de la personne humaine qui n’est pas seulement corporelle. C’est elle qui a été la cible du pogrom médiatique. Et les traits qui l’ont frappée sont d’un genre unique. La morale et l’humanitarisme ont été fourbis comme des armes. Propres. Morales. Totales ».
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« Le discours de la cruauté d’Israël, mis en scène par le Hamas et les télévisions arabes, a été asséné soir et matin en crescendo de l’appel fébrile à sauver un peuple d’un génocide. A Gaza il n’y avait qu’une armée d’enfants, des hôpitaux, des réserves de vivres, des centrales électriques... Nous touchons là à l’essence de la violence perpétrée sur la personne d’Israël. Elle est vertueuse ! Plus le souci des « enfants » et des « civils » est « disproportionné », plus fort et radical est le coup (symbolique) porté. Plus Israël est stigmatisé et diabolisé. Pour des motifs humanitaires ! Le coup est ainsi moral et « clean » car il frappe « à côté »… L’iconisation quasi religieuse des enfants victimes vise à la déshumanisation des Juifs. Les téléspectateurs savent tout de telle ou telle famille palestinienne dont on leur raconte l’histoire humaine, très humaine. Ils savent tout des blessés, des enfants. Mais rien des individus israéliens, de leurs enfants, de leurs femmes, de leurs blessés. On ne voit sur les écrans que des tanks, des soldats, une armée ».
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« La société israélienne n’existe pas dans le regard des médias. Ce souci « humanitaire » s’inscrit très bien dans la perspective idéologique plus vaste qui sacralise la mémoire des Juifs morts au moment où l’on accable les Juifs vivants. On aura remarqué qu’au moment même où ils traînaient dans la boue Israël, sa cruauté, son racisme, les journalistes ont dûment condamné le pape pour avoir reconnu un évêque négationniste... Israël est sur la sellette mais il est clair que le traitement « disproportionné » dont il est l’objet concerne le Juif que l’on cible en lui, de façon détournée. Quel pays au monde s’attire en effet cette furie planétaire ? C’est une guerre de religion qui est ici à l’oeuvre et l’Europe s’y inscrit ouvrant la boite de Pandore de bouleversements qui la submergeront. La question juive est de retour, de façon inédite. Les événements consécutifs à Gaza, notamment en France, rééditent les troubles qui ont accompagné la deuxième Intifada ».
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« La récurrence du même phénomène confirme que la crise d’alors n’était point passagère. Cependant, aujourd’hui, on est en droit de se poser la question de savoir où elle conduit. Un pogrom symbolique est en soi sans grande gravité concrète, si ce n’est la déstabilisation et l’égarement des Juifs d’Europe. Il n’y a pas mort d’homme (sauf qu’il peut donner lieu à la tragédie d’un Ilan Halimi ou d’un Sébastien Sellam) mais mort d’images. Le pogrom symbolique recèle en lui la potentialité de développements graves. Il peut être la première étape de voies de fait, elles, bien réelles. Un mouvement social (et l’antisémitisme en est un) commence par une fiction (la cause palestinienne), qui substitue un objectif imaginaire à une réalité insupportable (les problèmes du monde arabe et des musulmans d’Europe) ».
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« Puis cette fiction donne naissance à une mentalité qui prend le but substitué pour slogan, pour devenir un emblème autour duquel un nouvel ordre se structure et une organisation qui lui est dévouée apparaît. Aujourd’hui, la porte est ouverte à la troisième étape, celle de la cristallisation, avec la constitution d’une organisation quelconque qui pourra partir à l’assaut de sa cible. Nous entrons dans une phase dangereuse. La question est très concrète : à quand la prochaine explosion collective contre Israël ? Le prochain pogrom médiatique ? Et avec quelles conséquences concrètes sur la personne physique des Juifs ou d’Israël, dans l’arène planétaire ? » (fin de l’article de Shmuel Trigano).
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Que conclure après tout cela ? Sur le plan intellectuel et spirituel, notre société européenne en général et française en particulier, ne diffère guère, de la société européenne et française de 1929, avec la crise, et de la société européenne et française de 1939, avec la guerre. Je m’explique. Le vide intellectuel et spirituel de 2009, ne diffère guère de ceux de 1929 et de 1939. Comme en 1929 et comme en 1939, il se trouve qu’en 2009, presque personne ne défend et ne valorise la société libre de culture judéochrétienne.
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Aujourd’hui, si quelqu’un souhaite lire - en français - les analyses de Daniel Pipes, Walid Pharès ou Caroline Glick, il est contraint de se détourner des médias, et de se rabattre sur la blogosphère néoconservatrice francophone. Aujourd’hui, si quelqu’un veut s’enquérir - sans perdre des heures - des derniers livres de Pierre-André Taguieff, Guy Millière ou François Célier, il a tout avantage à effectuer ses recherches sur Internet plutôt que dans les médias.
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Et puisqu’en tant que catholique - justement - je défends la société libre de culture judéochrétienne, j’aimerais conclure, avec la question des catholiques (d’hier et d’aujourd’hui) face à la crise et face à la guerre. Dans les heures les plus noires du 20e siècle, nombre de catholiques - pas tous, certes, il y a eu quelques Justes, - ont préféré Charles Maurras (dont le mouvement Action française fut excommunié par l’Eglise de l’époque) à Jacques Maritain. Léon Degrelle - certes je sais il était Belge - est allé jusqu’à inventer une bouillie national-catho-socialiste appelée le « rexisme » sous prétexte de mieux combattre ainsi Staline.
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On ne refait pas l’histoire, j’en suis parfaitement conscient. En revanche, on peut éviter de répéter les mêmes erreurs historiques. Aujourd’hui, des catholiques (des catholiques, pas les catholiques) mettent les attentats du 11 septembre 2001 sur le dos des Américains et des Juifs : c’est la thèse du complot inventée en terre dite d’islam et accréditée par la gauche européenne. Le problème, c’est qu’il n’y pas qu’un ou deux catholiques pour débiter ce genre de sottises, sottises mises à nus dans le dernier livre de P.A. Taguieff (La Judéophobie des Modernes paru chez Odile Jacob en 2008), livre que certains catholiques (ceux qui croient qu’ils savent…) feraient bien de lire.
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Pour le philosophe catholique Jacques Maritain, lorsque l’antisémitisme se répand parmi ceux qui se disent les disciples de Jésus-Christ, il apparaît comme un phénomène pathologique, qui révèle une altération de la conscience chrétienne, quand elle devient incapable de prendre ses propres responsabilités dans l’histoire et incapable de rester existentiellement fidèle aux hautes exigences de la vérité chrétienne. Alors, au lieu de reconnaître, dans les épreuves et les épouvantes de l’histoire, la visitation de Dieu, et d’entreprendre les tâches de justice et de charité requises par cela même, la conscience chrétienne se rabat sur des fantômes de substitution concernant un peuple entier. Voilà le message que nous devons répandre autour de nous si nous voulons éviter de répéter les mêmes erreurs historiques. Et n’oublions jamais ceci : lorsque la question juive est de retour, les premiers à en souffrir sont les Juifs ; et les deuxièmes à en souffrir sont les Chrétiens. Ce fut le cas avec Staline. Ce fut le cas avec Hitler. Ce fut et c’est le cas en terre dite d’islam.
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(1) « Pogrom » est un mot d'origine russe. Il désigne les pillages et les meurtres, d'une population contre une autre population. « Pogrom » est devenu le mot pour qualifier les massacres de Juifs en Russie. Il qualifie des actes à la fois violents et prémédités, menés autrefois, à l'initiative des tsars de Russie notamment, par la police, avec l'aide des populations locales, contre les communautés juives d’Europe Orientale. Ces actes s'accompagnent de pillages, de destructions de biens et de meurtres. De façon plus large, le pogrom est une brève explosion de violence sociale contre la communauté juive. Il y a eu également des pogroms au Proche et au Moyen Orient ainsi qu’ailleurs dans le monde. Shmuel Trigano donne la définition suivante : « Le pogrom était un bref embrasement d’une population qui dévastait le quartier juif et tuait les Juifs ».
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(2) Shmuel Trigano est né en 1948 à Blida (Algérie) qu’il a quittée en 1962. Après des études classiques (latin-grec-philosophie) au Lycée Buffon (Paris), il a suivi le cursus du Bachelor of Arts de l’Université Hébraïque de Jérusalem (en Science politique, Relations Internationales et Philosophie juive). Le doctorat de sociologie politique qu’il a soutenu à l’Université de Paris a été publié sous le titre « La demeure oubliée, genèse religieuse du politique » (Lieu Commun, 1984, puis Tel-Gallimard, 1994 ). Son premier livre « Le Récit de la disparue, essai sur l’identité juive » a été publié en 1977 (Gallimard, « Les Essais », puis Folio- Gallimard 2001). Professeur à l’Université de Paris X-Nanterre, il est aussi le fondateur du
Collège des Etudes juives de l’Alliance Israélite Universelle (fondé en 1986) et titulaire de la Chaire européenne d’études sépharades au nom d’Elie Benamozegh de la ville de Livourne (Italie). En 1985, il co-fonde une revue d’études juives Pardès, toujours active (Editions In Press). En 2000, il fonde l’Observatoire du monde juif pour analyser le phénomène du nouvel antisémitisme, dont les travaux et publications ont constitué un moment important de la lutte contre la discrimination. En 2006, il crée une revue d’idées Controverses (Editions de l’Eclat), consacrée aux grands problèmes de notre temps.
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