Espionnage nucléaire : gênantes révélations.
Marc Brzustowski me signale aimablement que « on sait déjà pas mal de choses sur le programme nucléaire iranien et la façon ‘politiquement orientée’ dont certaines informations ont été publiées dans la presse par 16 agences de renseignements américaines (NIE) ». « Ce qu'on sait moins », ajoute Marc Brzustowski, « c'est comment celles-ci (ndlr certaines informations sur le programme nucléaire iranien) ont été apportées sur un plateau, par certains transfuges, dont le fameux Général Ali Reza Asgari et ensuite sous-utilisées (ndlr et politiquement orientées) à dessein (ndlr par des agences de renseignements américaines civiles ; à noter que les agences de renseignements américaines militaires, en revanche, n’ont pas participé à la relativisation et la politisation des informations fournies par des transfuges et exilés iraniens) ».
Dans ce contexte, Marc Brzustowski me transmet la traduction française d'un article de Kenneth Timmerman paru le 1er avril (ce n’est pas un poisson) dans Newsmax (1). Cet article signale notamment (ndlr j’ai retiré certains passages en raison de la longueur du texte ; il s’agit donc ici d’une version adaptée) : « Au cours d’une interview exclusive (du docteur iranien Amir Farshad Ebrahimi), quelques jours à peine après que le Régime iranien ait tenté de le kidnapper à Istanbul et de le ramener en Iran (le docteur iranien Amir Farshad Ebrahimi a été séquestré durant 48 heures à l’aéroport d’Istanbul par la police de l’air turque, à la demande d’un agent de l’ambassade iranienne, pour être renvoyé et torturé en Iran, précise Marc Brzustowski) cet ancien officier des Gardiens de la Révolution a raconté à Newsmax comment, avec d’autres anciens responsables iraniens, quelques amis occidentaux partageant les mêmes valeurs que lui, étaient parvenus à établir un ‘Comité de sauvetage’ afin d’aider des transfuges de haut niveau cherchant à quitter l’Iran ».
« Mais de telles actions ne peuvent avoir lieu sans en payer le prix. Le rôle que le docteur Ebrahimi a joué dans la défection vers les Etats-Unis d’un haut responsable du gouvernement iranien, durant le printemps dernier a fait de lui, la semaine dernière, une cible des services secrets iraniens. Le responsable qu’il a aidé (le général iranien Ali Reza Asgari) est supposé avoir fourni à la CIA et à d’autres services de renseignement occidentaux, des informations inédites et cruciales sur le programme d’armement nucléaire iranien, aussi bien qu’un compte-rendu interne sur l’appareil terroriste iranien dans toutes les zones du globe ».
« Sans l’aide du docteur Ebrahimi, cependant, le général Asgari aurait très certainement dû retourner en Iran, juste après l’expiration de son passeport lui permettant d’aller ‘en pèlerinage’ à Damas, en Syrie. Le docteur Ebrahimi raconte : ‘Nous nous trouvions ensemble à l’ambassade [iranienne] à Beyrouth, au milieu des années 90 ; c’est là que nous nous sommes connus. C’est la raison pour laquelle le général Asgari m’a appelé, lorsqu’il était à Damas, l’an dernier. C’est lui qui m’a rappelé que nous étions ensemble à Beyrouth’. Au cours de cette conversation téléphonique fatidique et durant d’autres communications, le général Asgari a expliqué au docteur Ebrahimi qu’il ne souhaitait plus retourner en Iran, mais qu’il ne lui restait que deux jours d’autorisation sur son passeport. Le docteur Ebrahimi vivait alors en Allemagne et ordonna au prétendant à la désertion de louer une voiture et de se rendre jusqu’en Turquie ».
« Depuis lors, les deux hommes sont restés en contact constant. Après avoir ‘graissé la patte’ d’un douanier turc pour la somme de 1500 $, afin qu’il le laisse entrer en Turquie sans visa, le général Asgari était censé avoir rendez-vous avec les contacts du docteur Ebrahimi à l’Hôtel Gilan d’Istanbul, dans des chambres que le docteur Ebrahimi avait louées pour lui. Mais l’apparition soudaine de la police turque juste en face de l’hôtel fit capoter ce plan. Le ‘plan-B’ du docteur Ebrahimi consista à arranger une rencontre entre le général Asgari et un responsable de l’Ambassade américaine dans la capitale turque, Ankara. Un autre responsable américain arriva des Etats-Unis pour s’entretenir avec le général Asgari. Les Américains suggérèrent que le transfuge potentiel tente une approche des organisations affiliées aux Nations Unies à Ankara et qu’il requière un statut de réfugié politique, qui fut alors approuvé dans un temps record d’une semaine ».
« Newsmax a obtenu l’an dernier les copies des documents du général Asgari en tant que réfugié et les a montrées à des experts indépendants qui ont confirmé qu’ils étaient authentiques. Depuis Ankara, le général Asgari s’envola vers Hambourg, en Allemagne, où le docteur Ebrahimi et lui-même se virent une dernière fois. ‘Quatre heures plus tard (son vol arrivait en Allemagne depuis Ankara) le général Asgari changea d’avion et partit avec un responsable américain pour Washington’, raconte le docteur Ebrahimi à Newsmax ».
« L’investisseur Pooya Dayanim, de Los Angeles, qui a aide le docteur Ebrahimi et qui est familier du général Asgari s’interroge : ‘Est-ce que le général Asgari commençait à réaliser que la CIA sous-utilisait ses informations pour prétendre ensuite que le programme nucléaire iranien s’était interrompu ?’. L’investisseur Pooya Dayanim déclare : ‘J’ai l’impression que son appel (du général Asgari) à encourager d’autres transfuges était motivé par sa conviction que le programme d’armement nucléaire était bien en marche et continuait de se développer’. Une Estimation Nationale du Renseignement (NIE) concernant les programmes nucléaires iraniens, parue en décembre 2007, déclarait alors sur la foi des renseignements fournis par un transfuge –probablement le général Asgari-, qu’un segment fondamental du programme d’armes nucléaires avait été interrompu ».
« Cependant, le Directeur des services de Renseignement Nationaux, Mike Mc Connell donna le sentiment de faire marche arrière au sujet des conclusions de la NIE, durant le témoignage qu’il apporta devant le Congrès, au début février. Il plaida alors qu’un manqué de temps avait conduit à mal interpréter la version classée secrète de la NIE qui avait été diffusée au public. ‘Aussi, si je devais aujourd’hui réfléchir à ce propos, je changerais vraisemblablement une chose ou l’autre’, fit savoir le Directeur des Renseignements ».
« Un autre rapport, intitulé ‘les renseignements américains ont probablement été dupés par l’Iran’ [ ‘U.S. Intel Possibly Duped by Iran’ ] se concentra sur la façon dont les renseignements américains avaient sous interprété ces informations. Des sources ayant connaissance de ce que le général Asgari avait réellement transmis à la CIA concernant le programme d’armement nucléaire iranien ont confié à Newsmax qu’ils étaient convaincus que les analystes de la CIA avaient opéré un choix dans les informations du général Asgari. Ces sources croient que les analystes de la CIA n’ont inclus (des informations du général Asgari) que ce qui convenait à leur conception politiquement orientée d’une ‘halte’ dans l’armement nucléaire, de la part de la direction iranienne, tout en négligeant allègrement d’autres informations qu’il leur avait divulgué, qui suggéraient au contraire, la continuation du travail d’élaboration d’armes nucléaires ».
« Cette Estimation ‘était un monceau d’une incroyable contrefaçon qui opérait un usage sélectif des sources’, a expliqué à Newsmax un responsable gouvernemental qui a eu accès aux sources du matériau classé secret défense. L’inspecteur en chef de l’armement de l’AIEA a fait part, lors d’un briefing à huis clos adressé aux diplomates à Vienne, d’informations qui contredisaient directement le rapport de la NIE, ainsi que l’a rapporté Newsmax, le mois dernier. Parmi les documents présentés par le directeur général en charge à l’AIEA, Olli Heinonen, se trouvait un document powerpoint interne au Gouvernement iranien qui exposait en détail les progrès réalisés concernant un véhicule de lancement de missiles nucléaires bien après que la NIE signalait que le programme avait été interrompu. Newsmax a exposé les critiques présentes dans ce rapport dans un article. Le docteur Ebrahimi dit que son Comité de sauvetage est toujours engagé à aider d’autres transfuges à s’échapper d’Iran ».
Nombre des éléments résumés ci-dessus ont été portés à la connaissance du public francophone ces quatre derniers mois par l’ESISC, par rebelles.info, par leblogdrzz et par monde-info.blogspot notamment. En revanche, pas un mot ou presque dans les médias francophones…
Miguel Garroté
http://www.monde-info.blogspot.com
(1) http://www.newsmax.com/timmerman/defector_Amir_Ebrahimi/2008/04/01/84566.html
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