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mardi 13 janvier 2009

L'Eglise est-elle gazolique ?

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Miguel Garroté - J’ai récemment annoncé que j’allais bientôt publier un article sur l’Eglise catholique face aux événements de Gaza. Or, je tombe aujourd’hui sur un article de Arnold Lagémi (1) qui - en quelque sorte - me facilite la tâche. A cet égard, j’aimerais également signaler que Menahem Macina, sur
http://upjf.org, a publié plusieurs textes, dont deux articles que je mentionne en annexe (2). Ci-dessous, d’une part, je reproduis intégralement l’article de Arnold Lagémi ; et d’autre part, je reprends, en guise de conclusion, la question : L’Eglise est-elle gazolique ?
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Dans un article intitulé « L’église aussi... », Arnold Lagémi (1), aujourd’hui mardi 13 janvier 2009, écrit, sur desinfos.com, à propos de l’Eglise catholique face aux événements de Gaza (début de l’article de Arnold Lagémi) : « Dans le concert quasi unanime qui, de facto, ne reconnaît pas à Israël le droit légitime à se défendre, une voix, dont les accents étaient prévisibles, tardait à se joindre aux hurlements de la meute. Cette voix, celle de l’Eglise Catholique Apostolique et Romaine, qu’on espérait entendre condamner le nazisme quand les ténèbres se partageaient le monde, cette voix qui n’estima pas en 1948, devoir saluer la naissance de l’Etat d’Israël comme une étape rédemptrice et réparatrice à un exil où elle portait, cependant, la responsabilité essentielle des crimes et des tourments dont furent victimes les Juifs, cette voix, on vient d’en distinguer les inflexions sulfureuses par le biais du cardinal Renato Martino, Ministre de la Justice et de la Paix du Vatican, à propos de la toute récente réaction défensive d’Israël après huit années d’agressions relevant du casus belli ».
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« Ce haut dignitaire de l’église romaine, très proche du pontife, vient en effet de déclarer : « Gaza ressemble de plus en plus à un camp de concentration ». Il précisera quelques heures plus tard : « ce qui se passe ces jours ci me fait horreur ». Outre la teneur pour le moins pernicieuse et galvaudée tendant à présenter Israël sous les traits du pervers recréant à l’égard de ses victimes les conditions mêmes de son humiliation et de son anéantissement passés, les propos de Son Eminence n’étonneront que les naïfs où ceux qui préfèrent se laisser abuser par l’illusion de l’amitié judéo-chrétienne. Je ne mets pas ici en doute l’amitié, souvent l’affection qui va parfois jusqu’au sacrifice entre Juifs et Chrétiens. Ce dont il en retourne, c’est l’évidence de l’impossibilité de convergence entre deux doctrines, deux systèmes dont l’un ne justifie son existence que par l’éloignement, voir la disparition de l’autre ».
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« Le christianisme a pour vocation de tenter de se substituer à Israël dont il prétend être l’héritier. L’existence des Juifs, surtout si elle s’inscrit dans un renouveau national et donc historique disqualifie la prétention chrétienne à la messianité. Cette réalité matricielle explique la vocation antisémite du christianisme dont beaucoup de Juifs ne voulant reconnaître l’aspect irréductible attribuent à l’attitude amicale et repentante de quelques Chrétiens la portée illusoire d’un revirement doctrinal. Et cet aveuglement s’explique. Parmi les maux dont nous souffrons, le manque d’amour est un des plus tenaces et des plus dévastateurs. Il suffit, en effet, qu’un pape se rende dans une synagogue ou que les évêques de France demandent pardon pour que nos bonnes âmes frappées d’amnésie soudaine y voient l’annonce du changement. Mais le pardon, c’est d’abord la réparation ! ».
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« Or, jamais l’Eglise, en tant qu’Institution, n’a envisagé cette perspective qui s’imposait d’abord au regard du rétablissement de la Vérité et aurait conféré à l’aveu du pardon un crédit d’authenticité et de moralité. Quant au plan doctrinal, cette imploration du pardon obligeait à la condamnation des Pères de l’Eglise ayant arrêté des positions anti-judaïques ou à la réprobation, sans équivoque, des diverses mesures anti-juives prises par les Conciles au cours des siècles. Mais Augustin est toujours resté Saint Augustin en dépit de son affirmation : « l’humiliation des Judéens témoigne de leur erreur et de notre vérité. » Etc…etc… Aussi, en dépit des velléités, des soubresauts au contenu plus opportuniste que réellement novateur, la constante de la position chrétienne face aux Juifs, à leur destin, à leur mission n’a pas varié et la position du cardinal Martino à propos des évènements de Gaza, s’inscrit dans une cohérence théologique certes déplorable, mais inévitable quant à la sauvegarde de la doctrine » (fin de l’article de Arnold Lagémi).
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Conclusion : L’Eglise est-elle gazolique ? Je note que Arnold Lagémi écrit : « Je ne mets pas ici en doute l’amitié, souvent l’affection qui va parfois jusqu’au sacrifice entre Juifs et Chrétiens ». Je note, aussi, que Arnold Lagémi enchaîne en écrivant : « Ce dont il en retourne, c’est l’évidence de l’impossibilité de convergence entre deux doctrines… ». Il se trouve que Benoît XVI a récemment déclaré que le dialogue des catholiques avec les non-catholiques devait être culturel et non pas théologique (lire
Quelle amitié judéochrétienne ?).
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Cela tombe bien pour plusieurs raisons. D’abord, cela tombe bien car il ne s’agit plus de fabriquer une fausse religion unique qui mettrait soi-disant fin aux guerres et gnagnagna. Il s’agit des implications culturelles du dialogue entre chrétiens et non chrétiens. Ensuite cela tombe bien, car les implications culturelles du dialogue entre chrétiens et non chrétiens mettent forcément en exergue, d’une part, les religions avec lesquelles les chrétiens partagent une culture commune ; et d’autre part, les religions avec lesquelles les chrétiens partagent peu ou prou au plan culturel.
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Or, les implications culturelles du dialogue ne sont pas les mêmes dans le dialogue judéochrétien que dans le dialogue islamo-chrétien. Vu sous cet angle, l’affirmation de Benoît XVI comme quoi le dialogue (entre les religions) sur les implications culturelles (de ce même dialogue) est particulièrement urgent aujourd'hui, cette affirmation, doit être accueillie à la lumière des écrits de Théo Weigel, Guy Millière, Ivan Rioufol, Pierre-André Taguieff, François Célier, Jacques Maritain, le père Arbez et le père Allafort notamment. A ce propos, on notera que le récent Discours de Benoît XVI au Collège des Bernardins n’a différé que dans la forme de son Discours de Ratisbonne.
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C’est une bonne nouvelle pour notre communauté de pensée qui défend et valorise la société libre de culture judéochrétienne. Voilà des années que j’assène - à temps et à contretemps - la formule « société libre de culture judéochrétienne ». Et voici le pape déclarant que le dialogue sur les implications culturelles est urgent. Je peux donc affirmer que sur ces points, Arnold Lagémi et moi-même - semble-t-il - sommes d’accord. Reste la question de l’Eglise face aux événements de Gaza et donc ma question : L’Eglise est-elle gazolique ?
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Sur un thème autre que Gaza, dans un article intitulé «
Pie XII : ma petite idée sur cette affaire. », j’ai abordé notamment la question de la confusion entre le théologique et le politique. En effet, certains clercs de l’Eglise catholique tendent à mélanger le politique et le théologique. Dans le cas de Gaza, nous assistons à une typique et classique confusion, dans la position du cardinal Martino, entre le théologique et le politique.
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J’ai développé de façon très détaillée ce que devrait être, selon moi, la position de l’Eglise catholique, sur les Juifs et sur Israël, dans un article intitulé «
Nous sommes catholiques. Cela dérange certains (version actualisée). ». Dans cet article, j’ai entre autre signalé que l’Eglise catholique a formulé une condamnation de l’antisionisme dans une déclaration conjointe rendue publique - mais guère mentionnée par les médias - en juillet 2004 à l’issue d’un forum réunissant Juifs et Catholiques. La condamnation catholique de l’antisionisme fait ensuite l’objet - le 30 juillet 2004 - d’un article de Shlomo Shamir dans le journal israélien Haaretz. Dans la déclaration conjointe, l’Eglise catholique met l’antisionisme en rapport avec l’antisémitisme, en 2004 à Buenos Aires, lors d’un colloque de religieux, d’universitaires et autres personnalités juives et catholiques.
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Compte tenu de ce qui précède, la position du cardinal Martino me semble une position de nature éminemment politique, qui se drape, en guise d’alibi, dans du soi-disant théologique. Personnellement, je ne pense pas que le cardinal Martino s’appuie sur la doctrine. Je pense plutôt que le cardinal Martino s’appuie sur la propagande hamassique relayée sans discernement par nos médias. Le cardinal Martino se laisse emporter suite aux images diffusées à la télévision qu’il commet l’erreur de regarder. Je doute fort que le cardinal Martino n’ait consulté, ne serait-ce qu’une seule fois, les informations, les photos et les images diffusées sur Internet par notre communauté de pensée. Le cardinal Martino croit France 2 et l’AFP. Ce n’est pas très spirituel. Cela dit, il est exact que Benoît XVI a plusieurs fois appelé à la paix dans le cadre de l’opération israélienne dans la bande de Gaza. Sandro Magister a tenté d’en expliquer les raisons (3).
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Le cardinal Martino appartient-il à cette catégorie de clercs qui manquent cruellement de dimension verticale ? Et qui de ce fait, se réfugient, dans une dimension horizontale, c’est à dire une dimension politique, palestinoïde et droitdelhommesque ? Je connais des moines et des moniales qui dans leurs monastères prient pour Israël. C’est l’Eglise régulière. En revanche, dans l’Eglise séculière, dont le cardinal Martino fait partie, on ne prie pas assez et on consacre trop de temps à faire de la politique et à fréquenter les médias. Dans un autre contexte, le même cardinal Martino a allégué que Saddam Hussein était soi-disant sur le point de se plier à l’ONU et que par conséquent les Américains avaient inutilement fichu le bazar en Irak. Al-Qaïda dit la même chose.
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Il faut peut-être préciser ici que la position de tel ou tel cardinal sur telle ou telle question n’est pas une prise de position officielle de l’Eglise. Les interviews accordées par des prêtres, des évêques et des cardinaux ne sont pas autant de prises de positions officielles de l’Eglise, sans quoi d’ailleurs, il n’y aurait plus de position officielle du tout, puisque ces Messieurs les prêtres, les évêques et les cardinaux se contredisent souvent les uns les autres dans des interviews qu’ils feraient mieux de ne pas accorder, afin de pouvoir ainsi se consacrer plus souvent à prier pour le monde. Le seul clerc catholique habilité à formuler une prise de position officielle de l’Eglise est le pape. Et le seul organe de l’Eglise qui peut officiellement relayer les prises de positions du pape, c’est la Salle de Presse. Ce que tous les autres clercs racontent n’a aucune valeur dogmatique et aucune infaillibilité.
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Quelques pontes du Vatican comparent la bande de Gaza à un « camp de concentration » ? Ils feraient mieux de parler des chrétiens persécutés en terre dite d’islam. Il est vrai que c’est politiquement beaucoup plus correct de critiquer Israël que de critiquer l’islam. Si la vocation de tel ou tel cardinal est de se faire bien voir des médias, alors n’attachons pas trop d’importance à ses élucubrations bien pensantes. Je reviendrai plus en détail sur la question de l’Eglise face au monde arabe dans un autre article. Mais cette fois-là, j’enverrai mon article – avec les questions qu’il soulèvera – par la poste au Saint-Siège. Depuis le 11 septembre 2001, nombre de catholiques véhiculent la thèse conspirasionniste fabriquée de toutes pièces en terre dite d’islam et relayée sans discernement par la gauche occidentale. Il est urgent que l’Eglise catholique sorte de ce mensonge.
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Copyright Miguel Garroté 2009
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(1) Arnold Lagémi, Juif né en Algérie, écrivain, a étudié chez les Jésuites. Attiré un temps par la vie monastique, il redécouvre le Judaïsme, auquel il est toujours fidèle.
(2) Lire
Nommer les coupables semble aussi difficile à Benoît XVI qu’à Pie XII, de triste mémoire. Pourquoi ? et Le Cardinal qui accuse les Israéliens de génocide et les compare aux nazis de Menahem Macina sur http://upjf.org .
(3)
“DIEU NOUS EST PROCHE” » Archive du Blog » par Sandro Magister : A ...
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